Droits conférés par un brevet unitaire

Droits d’interdire la contrefaçon

Élément matériel : les actes de contrefaçon

Le titulaire peut alors interdire tout acte, sur les territoires des États participants à la coopération renforcée, qui serait couvert par le brevet avec unitaire (article 5 du règlement 1257/2012) comme :

  • la contrefaçon directe (article 25 de l’accord concernant la JUB) :
    • produit breveté :
      • fabrication, offre, mise sur le marché, utilisation d’un produit qui fait l’objet du brevet,
      • importation, détention de ce produit à ces fins;
    • procédé breveté :
      • utilisation du procédé qui fait l’objet du brevet
      • offre de l’utilisation, lorsque le tiers sait ou aurait dû savoir que l’utilisation du procédé est interdite sans le consentement du titulaire du brevet;
    • produit obtenu par un procédé breveté :
      • offre, de mettre sur le marché, d’utiliser ou bien d’importer ou de détenir à ces fins un produit obtenu directement par un procédé qui fait l’objet du brevet.
  • la contrefaçon indirecte (article 26 de l’accord concernant la JUB), comme :
    • fourniture de moyens :
      • fourniture ou offre de fourniture, sur le territoire des États membres contractants dans lesquels le brevet produit ses effets, à une personne autre que celle habilitée à exploiter l’invention brevetée, des moyens de mise en œuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait, ou aurait dû savoir, que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en œuvre.

C’est vraiment l’esprit d’une uniformisation (article 5 du règlement 1257/2012).

Exceptions et absence de contrefaçon

Exceptions de l’article 27

Néanmoins, certains actes ne sont pas considérés comme des contrefaçons (article 27 de l’accord concernant la JUB) :

  • les actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales ;
  • les actes accomplis à titre expérimental qui portent sur l’objet de l’invention brevetée ;
  • l’utilisation de matériel biologique en vue de créer ou de découvrir et de développer d’autres variétés végétales;
  • les médicaments (vétérinaires ou humain) contenant des produits connus mais non encore associés à un usage thérapeutique (article 13, paragraphe 6, de la directive 2001/82/CE ou article 10, paragraphe 6, de la directive 2001/83/CE) ;
  • la préparation de médicaments faite par les pharmacies, sur ordonnance médicale ;
  • l’utilisation de l’invention brevetée à bord de navires de pays membres de l’Union de Paris ou membres de l’OMC autres que les États membres contractants dans lesquels le brevet concerné produit ses effets, dans le corps dudit navire, dans les machines, agrès, apparaux et autres accessoires, lorsque ces navires pénètrent temporairement ou accidentellement dans les eaux d’un État membre contractant dans lequel le brevet concerné produit ses effets, sous réserve que ladite invention soit utilisée exclusivement pour les besoins du navire ;
  • l’utilisation de l’invention brevetée dans la construction ou le fonctionnement des engins de locomotion aérienne ou terrestre ou d’autres moyens de transport de pays membres de l’Union de Paris ou membres de l’OMC autres que les États membres contractants dans lesquels le brevet concerné produit ses effets, ou des accessoires de ces engins, lorsque ceux-ci pénètrent temporairement ou accidentellement sur le territoire d’un État membre contractant dans lequel le brevet concerné produit ses effets ;
  • les actes prévus par l’article 27 de la Convention relative à l’aviation civile internationale du 7 décembre 1944 (i.e. l’aéronef, les pièces détachés, etc.), lorsque ces actes concernent des aéronefs d’un pays partie à ladite Convention autre qu’un État membre contractant dans lequel ce brevet produit ses effets ;
  • l’utilisation par un agriculteur du produit de sa récolte pour reproduction ou multiplication sur sa propre exploitation, pour autant que le matériel de reproduction végétale ait été vendu ou commercialisé sous une autre forme à l’agriculteur par le titulaire du brevet ou avec son consentement à des fins d’exploitation agricole. L’étendue et les conditions d’une telle utilisation correspondent à celles fixées à l’article 14 du règlement (CE) no 2100/94 ;
  • l’utilisation par un agriculteur de bétail protégé pour un usage agricole, pour autant que les animaux d’élevage ou autre matériel de reproduction animal aient été vendus ou commercialisés sous une autre forme à l’agriculteur par le titulaire du brevet ou avec son consentement. Une telle utilisation comprend la mise à disposition de l’animal ou autre matériel de reproduction animal pour la poursuite de l’activité agricole de l’agriculteur, mais non la vente de ceux-ci dans le cadre ou dans le but d’une activité de reproduction commerciale;
  • les actes et l’utilisation des informations obtenues tels qu’autorisés en vertu des articles 5 et 6 de la directive 2009/24/CE, en particulier par ses dispositions relatives à la décompilation et à l’interopérabilité ; et
  • les actes autorisés en vertu de l’article 10 de la directive 98/44/CE (reproduction ou la multiplication de matière biologique).

Possession personnelle antérieure

L’article 28 de l’accord concernant la JUB prévoit une exception pour les cas de possession personnelle antérieure.

Si une personne avait bénéficié d’une exception de possession personnelle antérieure sur la base d’un brevet national (en regardant la législation nationale), alors ce même droit est accordé sur le territoire de cet Etat membre, pour un brevet unitaire.

Épuisement des droits

L’article 29 de l’accord concernant la JUB prévoit une exception dans le cas d’un épuisement des droits.

En effet, si un produit a été introduit sur le marché européen avec le consentement du titulaire, ce dernier ne peut s’opposer à sa circulation au sein de l’Union.

Élément moral

Comme nous pouvons le remarquer, et contrairement la loi française par exemple, il n’est requis aucune preuve de la connaissance de cause de la part du contrefacteur allégué pour un grand nombre d’actes (article 25 de l’accord concernant la JUB).

En vérité, seul l’offre d’utilisation d’un procédé constitue une contrefaçon à la seul condition que « le tiers savait ou aurait dû savoir que l’utilisation du procédé est interdite sans le consentement du titulaire du brevet » (article 25 de l’accord concernant la JUB).

De même, la fourniture de moyens nécessitera que « le tiers savait, ou aurait dû savoir, que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en œuvre » (article 25 de l’accord concernant la JUB).

Dans tous les autres cas, la bonne foi du contrefacteur est inopérante.

Difficultés

Loi applicable à ces droits

Loi nationale ?

Il est assez étrange de noter que l’article 5.3 ensemble article 7.1 du règlement 1257/2012 prévoit que les actes que le titulaire pourra interdire sont définis par les lois nationales …

Cela est étrange puisque, comme nous l’avons vu, l’accord concernant la JUB définit exactement ces actes (et ces exceptions).

Quelle loi nationale ?

Mais supposons … quelle loi nationale ?

La loi nationale qui s’appliquera est la loi nationale de l’État membre, à la date du dépôt de la demande de brevet européen) :

  • où le demandeur avait son domicile ou son principal établissement ;
  • ou, si cela ne s’appliquait pas, où le demandeur avait un établissement.

En cas de pluralité de demandeur, on essaye d’appliquer le premier point aux demandeurs dans l’ordre d’apparition, puis le deuxième point aux demandeurs dans l’ordre d’apparition (article 7.2 du règlement 1257/2012).

Si on y arrive toujours pas, on prend la loi allemande (article 7.3 du règlement 1257/2012).

L’accord concernant la JUB est la loi nationale ?

Une autre façon de voir le sujet est de considérer que l’accord concernant la JUB fait partie à part entière de la loi nationale de chaque Etat membre.

Dès lors, les dispositions sur les actes pouvant être interdits sont bien ceux présents dans dans l’accord concernant la JUB.

Je ne sais pas trop si cela est tiré par les cheveux … mais cela a l’avantage de faire fonctionner le puzzle…

Droits différents entre un brevet national et un brevet unitaire ?

Comme nous l’avons vu précédemment, les droits conférés par un brevet unitaire sont définis grandement par l’accord concernant la JUB (i.e. actes de contrefaçon, exceptions, etc.).

Néanmoins, l’A2 CBE et A64 CBE prévoient qu’un brevet EP (et donc un brevet unitaire) a les mêmes effets et procurent les mêmes droits qu’un brevet national à son titulaire.

On parle bien des mêmes droits et effets … on ne dit pas que cela doit être similaire, au moins aussi grands, etc. : les mêmes …

Nous voyions bien la difficulté ici : si ce sont les mêmes droits et mêmes effets, la liste des droits évoqués ci-avant doit être strictement identique dans chaque loi nationale.

Et nous savons bien que cela n’est pas (encore) vrai…

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