Retenue douanière

La demande d’intervention douanière

Principe

La demande d’intervention douanière est une démarche préventive demandant à l’administration des douanes de retenir les marchandises susceptibles de contrefaire votre brevet (notamment, car cela est également possible pour les marques, les dessins et modèles, les indications géographiques, le droit d’auteur et les droits voisins) pendant une durée limitée.

La demande d’intervention douanière est prévue par :

Il est tout à fait possible de demander une intervention douanière selon la base légale (i.e. règlement EU ou CPI) de votre choix. Si les concepts sont proches, certaines différences pourront être notées.

Durée de la demande d’intervention

La demande d’intervention est gratuite (art 8, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013, le CPI ne précisant rien) et valable un an à compter de la décision d’acceptation du dossier (art 11.1, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 et R335-7 CPI ensemble R614-36 CPI).

Elle est renouvelable gratuitement sur demande écrite (art 12.1, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 et R335-7 CPI ensemble R614-36 CPI).

Brevet ou demande de brevet ?

Il ne semble pas possible de demander une intervention douanière sur la base d’une simple demande.

Il faudra donc avoir d’avoir un brevet délivré (formulation de l’article 2, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 et de l’article L614-32 CPI).

Qui peut présenter la demande ?

La demande d’intervention peut être présentée par :

Forme de la demande

Principe

Pour demander une intervention douanière, il faut notamment fournir aux douanes (article 6.3, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 et R335-6 CPI ensemble R614-36 CPI) :

  • un formulaire de demande d’intervention fondée sur le Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 ou sur le code de la propriété intellectuelle (à trouver sur le site des douanes françaises) ;
  • une copie du brevet ;
  • la justification de son droit à agir (voir supra) ;
  • une description technique, précise et détaillée des marchandises authentiques (marquages, code-barres, images, etc., voir Arrêté du 29 juin 2015, art 2) ;
  • les informations permettant de distinguer les vrais produits des faux (origines des faux, différences, etc.);
  • les coordonnées de la personne à contacter (contact juridique et technique, le plus souvent le conseil en PI du titulaire).

Précision sur la technicité « brevet »

La protection accordée par un brevet, contrairement à celle accordée par une marque par exemple, peut être plus complexe à appréhender.

Dès lors, il convient de bien décrire les caractéristiques distinctives visibles des produits arguées de contrefaçon, plus que les caractéristiques du brevet (ex. « les téléphones argués de contrefaçon possèdent une face arrière incurvée sans logo » plutôt que « les téléphones argués de contrefaçon possèdent une puce 4G mettant en oeuvre le procédé de compression de données xxx« ).

Il ne faut pas oublier que le douanier n’est pas un technicien : les caractéristiques doivent sauter aux yeux.

Comme un ami juriste me l’a souligné, il peut être opportun de consolider sa protection par différents types de droits (marques, dessins et modèles, etc.).

Envoi de la demande

La demande doit être adressée à l’adresse email contrefac@douane.finances.gouv.fr et, pour les documents portant une signature, par courrier postal à (Arrêté du 29 juin 2015, art 1) :

Direction générale des douanes et droits indirects Bureau E1
Politique tarifaire et commerciale
Section Propriété intellectuelle et contrefaçon
11, rue des deux Communes 93558 MONTREUIL cedex

Décision d’acceptation / de refus de la demande

Le demandeur est notifié dans un délai de 30 jours ouvrables de la décision de faire droit à la demande ou de la rejeter (article 9.1, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013) à compter de la réception de la demande (R335-7 CPI ensemble R614-36 CPI).

La retenue douanière

La retenue à proprement parler

Principe

Lorsque les douaniers détectent une marchandise identifiée dans la demande, ils peuvent bloquer ces marchandises (article 17.1, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 ou 322 bis du code des douanes ensemble article 38 du code des douanes, 4ème alinéa, 9°).

Le demandeur et le détenteur de la marchandise sont alors prévenus aussi vite que possible :

Le procureur de la République est également prévenu dans le cadre d’une retenue douanière selon le CPI (L614-32 CPI, 2e alinéa).

Dans le cadre d’une retenue douanière selon le CPI, sont envoyés au demandeur :

  • la nature / les quantités de produits (L614-32 CPI, 3e alinéa) ;
  • des photos (L614-32 CPI, 3e alinéa) ;
  • sur requête du demandeur et « aux fins de l’engagement des actions en justice«  (article L614-32 CPI, 6e alinéa, autrement dit, vous ne pouvez pas utiliser ces informations pour transiger directement auprès du contrefacteur) :
    • le nom et l’adresse du destinataire,
    • le nom et l’adresse de l’expéditeur,
    • le nom et l’adresse du déclarant,
    • le nom et l’adresse du détenteur des marchandises,
    • l’origine,
    • la provenance, et
    • la destination des marchandises.

Il est sympathique de constater que l’article 17.4 du Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 propose des dispositions quasi identiques pour la retenue UE (à l’exception, notable d’une disposition… mais je vous laisse la trouver) :

  • la nature / les quantités de produits ;
  • des photos ;
  • sur requête du demandeur et pour un nombre d’utilisations restreintes (cf. article 21.4 du Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013, procédure civile ou pénale, négocier avec le contrefacteur, etc.) :
    • le nom et l’adresse du destinataire,
    • le nom et l’adresse de l’expéditeur,
    • le nom et l’adresse du déclarant,
    • le nom et l’adresse du détenteur des marchandises,
    • le régime douanier,
    • l’origine,
    • la provenance, et
    • la destination des marchandises.

Alors ? Vous la voyiez la différence ?

Avant 2016, les services douaniers demandaient systématiquement de certifier que les informations fournies ne seraient utilisées qu’aux fins de l’engagement des actions en justice. Néanmoins, depuis la mise à jour de leur formulaire (Demande de levée du secret professionnel douanier – Annexe 5), la formulation est plus permissive : « Je m’engage également à ne pas utiliser ces informations à d’autres fins que celles prévues par la réglementation en vigueur » .

Mainlevée anticipée

Dans le cadre d’une retenue UE seulement, le détenteur de la marchandise peut demander une mainlevée anticipée aux services douaniers (articles 24.1 et 24.2, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013) si :

  • un dépôt de garantie est versé ;
  • un juge n’a pas encore ordonné de mesures conservatoires ;
  • les formalités douanières ont été correctement effectuées.

Frais de stockage

Les services douaniers peuvent demander au demandeur de rembourser les frais de stockage (article 29.1, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013, L614-32 CPI, 5e alinéa et R335-15 CPI ensemble R614-36 CPI).

Examen par le demandeur et échantillons

Pendant ce délai de retenue, il est possible d’inspecter la marchandise (articles 19.1 et 19.2, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 et L614-35 CPI).

L’administration douanière peut prélever des échantillons :

  • dans le cadre d’une retenue CPI, le prélèvement d’échantillons consistera dans le prélèvement de 2 échantillons : un pour les douanes, un pour le détenteur de la marchandise, aucun échantillon n’est remis au demandeur (R614-37 CPI),
  • dans le cadre d’une retenue UE, le demandeur peut tout à fait se faire remettre un échantillon « sur requête de celui-ci et aux seules fins d’analyse et pour faciliter la suite de la procédure » (article 19.2, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013).

La prise de position du demandeur

Principe

Le demandeur doit alors prendre position quant au caractère contrefaisant dans un délai de 10 jours ouvrables (3 jours pour les denrées périssables) à compter de la notification des douanes (article 23.1 et 23.3, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 et L614-32 CPI, 4e alinéa).

Cette prise de position s’effectue :

  • en justifiant (L614-32 CPI, 4e alinéa, ou article 23.5, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013) :
    • soit de mesures conservatoires décidées par le TGI de Paris,
    • soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle (et d’avoir constitué les garanties demandées),
    • soit d’avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République.
  • en demandant la destruction des marchandises (voir ci-dessous, L614-36 CPI))

Précision sur le délai

Petite chose drôle… le délai de « 10 jours ouvrables » ne se calcule pas de la même manière si la retenue a été effectuée avec le texte communautaire ou le texte français :

Prorogation

Il est possible de demander une prorogation du délai de 10 jours ouvrables supplémentaires en adressant aux services douaniers une lettre motivée (article 23.4, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 et L614-32 CPI, 4e alinéa).

Cela ne s’applique qu’aux produits non périssables.

La destruction des marchandises

Principe

Les marchandises contrefaisantes peuvent être détruites sans intervention du juge :

Cette destruction se fait sous la responsabilité du demandeur par les services des douanes (article 23.2, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013, L614-36 CPI, I-2°).

Cette procédure permet d’éviter des poursuites longues et coûteuses.

Frais de destruction

Les services douaniers peuvent demander au demandeur de rembourser les frais de destruction (article 29.1, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 ou L614-34 CPI ensemble R335-15 CPI ensemble R614-36 CPI).

Cas particulier des petits envois de denrée non périssable

Dans le cadre UE, si le demandeur a explicitement visé cette procédure dans sa demande et que des produits couverts par sa demande sont trouvés dans de « petits envois » (i.e. envois postaux de moins de 3 éléments ou d’un poids inférieur à 2 kg, article 1, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013), une procédure de destruction simplifiée existe (articles 26.1 et 26.2, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013) :

  • sans fournir au demandeur les coordonnées du détenteur de la marchandise ;
  • sans notifier au demandeur de la retenue douanière.

Seule une notification est faite au détenteur de la marchandise afin de le prévenir qu’une destruction est envisagée (article 26.3, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013).

Il peut alors s’y opposer dans un délai de 10 jours à compter de la notification (article 26.4, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013) :

En cas de refus destruction

Si le demandeur considère que la marchandise est un produit de contrefaçon, mais que le détenteur de la marchandise s’oppose à la destruction (L614-36 CPI, III, article 23.3, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013), le demandeur en est averti.

Le demandeur doit alors, pour éviter la mainlevée de la marchandise dans les 10 jours à compter de la notification de retenue (L614-36 CPI, III, article 23.5, Règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013) :

  • soit saisir un juge :
    • par voie civile ou correctionnelle pour introduire une action en contrefaçon,
    • éventuellement en référé pour demander des mesures conservatoires,
  • soit déposer une plainte auprès du procureur de la République.

Un commentaire :

  1. bonjour
    dans le paragraphe 1.1,
    le code de la propriété intellectuelle (L613-32 CPI1 notamment en ce qui concerne les brevets).
    il s’agit en fait du L614-32 du CPI
    bravo pour votre site !
    Antoine

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