Preuve de la contrefaçon

Table des matières
5. Saisies-contrefaçons

Généralités

Principe

La preuve de la contrefaçon peut s’effectuer par tous moyens (L615-5 CPI).

Charge de la preuve

La preuve de la contrefaçon est à la charge du titulaire des droits selon le principe « actori incumbit probatio » (9 CPC, car la contrefaçon est un problème de fait) (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 2e sect., 29 novembre 2013, ou encore Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 2e ch. 21 décembre 2012).

La charge de la preuve peut être exceptionnellement renversée, à la demande du tribunal, dans le cas d’un procédé d’obtention d’un produit (L615-5-1 CPI) : le tribunal peut demander au défendeur de prouver que le procédé utilisé pour obtenir un produit est différent du procédé breveté (cette demande est à la discrétion du tribunal, Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 1re sect., 9 mars 2005).

Constat d’achat

Il est possible de demander à un huissier de faire un constat d’achat.

Mise en garde

Attention, il est dangereux de demander à l’huissier de réaliser l’achat lui-même sous peine de nullité de la preuve, car cette démarche pourrait être considérée comme dolosive (i.e. provocation de la contrefaçon, Cour d’appel de Paris, 4 décembre 1862 ou C. Cass. civ. 1, 20 mars 2014, n°12-18518).

Par ailleurs, l’huissier ne peut pas agir sans déclarer sa qualité (art 17 du décret n°56-222 du 29 février 1956). Ainsi, en cas de constat d’achat, et si l’huissier effectue lui même les actes, il lui est nécessaire de décliner sa qualité lors de l’achat / l’ouverture du compte sur Internet (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 27 février 2013).

Néanmoins, le juge des requêtes peut valablement autoriser l’huissier à ne décliner sa véritable identité (et retarder la notification de l’ordonnance au vendeur) qu’après avoir effectué les constatations pertinentes (C. Cass., 2e ch. civ., 4 septembre 2014, n°13-22971).

Description de l’achat réalisé par un tiers

Principe

Néanmoins, il semble possible d’envoyer un tiers réaliser l’achat, l’huissier constate alors que ce tiers est rentré dans le magasin les mains vides, et qu’il est ressorti avec le produit (Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e ch., 1e sect., 31 mai 2011). L’huissier peut alors réaliser un PV descriptif de ce produit et le mettre sous scellé pour une utilisation ultérieure (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch. 7 novembre 2012).

Le tiers peut-il être le breveté ?

Il est tout à fait possible que le tiers soit le breveté lui même ou un de ses salariés : l’impartialité des acheteurs n’est pas requise (Tribunal de Grande Instance de Paris, 20 mars 2014).

Saisie-contrefaçon déguisée ?

Un constat d’achat n’est pas nécessairement une saisie-contrefaçon déguisée (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch. 7 novembre 2012), car ce sont de simples constatations matérielles et non des investigations déguisées.

En effet, l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers dispose :

Ils peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter

Intérêt de tels constats

Cette constatation n’est pas nécessairement très intéressante d’un point de vue commercial. En effet, souvent on essaye d’éviter d’assigner en justice les vendeurs qui pourraient servir ultérieurement à écouler des produits « non-contrefaisants » .

Cependant, si l’adresse du fabricant est indiquée sur la boite ou sur une notice, cela peut être fort utile.

Constat d’huissier (hors saisie-contrefaçon)

Constat « physique »

Il peut arriver que l’on souhaite faire établir un constat d’huissier dans une foire, un marché, etc. dans lequel un contrefacteur expose ses produits.

Cela peut sembler être une bonne idée surtout que l’article L615-5 CPI dispose que la contrefaçon peut être prouvée par tout moyen.

Néanmoins, il convient de faire extrêmement attention que ce constat ne se transforme pas en saisie-contrefaçon déguisé (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 7 mai 2014). En particulier, l’huissier :

  • doit rester dans un lieu public et non sur les stands des contrefacteurs ;
  • ne doit pas faire d’enquête (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 30 sept. 2022, RG n° 21/00511) ;
  • ne doit pas interroger les personnes présentes ;
  • ne peut qu’effectuer des constatations matérielles ;
  • doit respecter la vie privée (il ne peut écouter une conversation que le contrefacteur a avec un client sur le stand).

A défaut, le PV de l’huissier ne sera pas recevable.

Constat sur Internet

Il est tout à fait possible que l’huissier constate des choses sur un site web par exemple.

Pour autant, il convient d’effectuer ce constat avec une rigueur et un formalisme particulier. Par exemple, il convient d’indiquer :

  • les différentes versions de logiciels utilisées
  • les références de l’ordinateur (ex. numéro de série, etc.)
  • le fait que l’antivirus est à jour,
  • le fait que le cache des navigateurs a été vidé,
  • l’adresse IP utilisée ;
  • etc.

Bref, les constats sur Internet demandent une compétence particulière de la part de l’huissier.

A titre d’illustration, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2e ch., 15 septembre 2016, RG n°2013/22133 a invalidé des constats sous prétexte que l’huissier n’avait pas respecté la norme Afnor NFZ67- 147.

Même si toutes les juridictions ne partagent pas cet avis (ex. « Considérant en effet que la norme Afnor NFZ67-147 [… ] n’a pas un caractère obligatoire et ne constitue qu’un recueil de recommandations de bonnes pratiques » , Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 1, 27 février 2013), il convient d’être particulièrement prudent.

En outre, il convient de noter que les juridictions françaises semblent enclines à accepter des constats d’huissier se fondant sur le site http://www.archive.org (the Wayback Machine) (Cour d’appel de Paris , Pôle 5, 2e ch., 4 octobre 2019, RG n°17/10064).

Expertise privée

Il est tout à fait possible de réaliser non contradictoirement des expertises privées sur des produits argués de contrefaçon, mais ces expertises ne peuvent pas fonder entièrement la décision des juges (violation du « principe de la loyauté de la preuve » car cette expertise n’est pas contradictoire, C. Cass. com., n°11-28205, 29 janv. 2013).

Elles peuvent néanmoins convaincre un juge d’autoriser des mesures complémentaires.

Saisies-contrefaçons

Principe

Matérialité de la contrefaçon

La saisie-contrefaçon (L615-5 CPI) est une action exorbitante de droit commun, dont l’objectif est d’établir la matérialité de la contrefaçon (ex. reproduction des moyens techniques, objets des revendications du brevet invoqué, ou éventuellement la mise en œuvre de moyens équivalents).

Par ailleurs, la saisie peut permettre de demander au juge d’ordonner au saisi de fournir, éventuellement sous astreinte, une pièce dont l’existence (mais non le contenu) a été prouvée par la saisie-contrefaçon.

Origine de la contrefaçon

La saisie-contrefaçon peut également permettre de « procéder à toute constatation utile en vue d’établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon » (R615-2 CPI).

Pour empêcher la contrefaçon ?

La saisie-contrefaçon n’a pas pour but de stopper la contrefaçon : ainsi, il n’est pas possible de saisir tous les stocks du contrefacteur présumé (C. Cass. com. n°83-14146, 4 janvier 1985) ou les outils de production.

Historique

Le décret « relatif aux auteurs de découvertes utiles » du 31 décembre 1790 instaurait une saisie-confiscation (i.e. qui permettait une saisie réelle des moyens de production et des produits) a été inscrite dans la loi. Une « caution » pouvait être demandée en contrepartie de cette saisie.

Mais devant des oppositions assez fortes, cette saisie est rapidement abrogée (décret additionnel du 25 mai 1791).

Le 5 juillet 1844, ces dispositions sont réintroduites dans la loi, mais l’objectif de cette saisie est plus la conservation de la preuve que la confiscation des moyens de production (voir le Manuel de l’inventeur, Blétry frères, 4e édition, 1881 qui détaille cette loi).

Effet de surprise

La saisie est autorisée sur requête du titulaire (i.e. l’ordonnance n’est pas rendue de manière contradictoire, le saisi n’étant pas prévenu (L615-5 CPI).

Cela est logique puisque le fait de prévenir priverait la saisie de son efficacité : le saisi ne peut pas se prévaloir du fait qu’on ne l’ait pas prévenu en avance.

Différents types de saisie possibles : saisies réelles / saisies descriptives

Il est possible de demander au juge d’ordonner (L615-5 CPI) :

  • une saisie-contrefaçon réelle des produits (sans description),
  • une saisie descriptive avec ou sans prélèvement d’échantillons (i.e. saisie réelle avec une description).

La saisie réelle peut s’avérer indispensable si l’objet ne peut pas être facilement décrit. Dans ce cas, le juge doit n’autoriser une saisie que d’un faible nombre de pièces (C. Cass. com., n°83-14146, 4 janvier 1985).

Il peut être judicieux de proposer le paiement d’un prix (ou tout du moins une proposition de paiement) lors de la saisie d’échantillon ou lors de la saisie réelle afin d’éviter toute consignation.

Il faut également prévoir dans l’ordonnance qu’au moins un des échantillons saisis puisse être remis au requérant. Dans le cas contraire et si un échantillon était effectivement remis à ce dernier, il sera considéré que l’huissier a commis une faute.

La description faite par l’huissier fait foi (propiis verbis) jusqu’à inscription de faux (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 10 décembre 2004).

Il est considéré que les photocopies et les photographies sont des modes de description (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. A, 24 novembre 2004).

Par exemple, il n’a pas le droit de demander à la partie saisie la remise de documents si aucune saisie réelle n’a été autorisée (C. Cass. com., 19 décembre 2006, n°05-14431).

Lieu de la saisie

Principe

La saisie peut se faire en tout lieu où il existe des preuves de la contrefaçon (L615-5 CPI).

En particulier, la saisie peut très bien être réalisée :

Cas d’une resaisie

Néanmoins, si la saisie précédente avait été annulée, il est seulement possible de resaisir chez l’huissier ou au greffe que les objets saisis « réellement » (Cour d’appel de Paris, 4e ch., 20 décembre 2000) i.e. il est impossible de ressaisir le PV, les descriptions réalisées, les photographies, les photocopies (C. Cass. com., n°01-10807, 1er juill. 2003).

Plusieurs lieux et lieux encore inconnus

Une saisie peut être demandée dans plusieurs lieux en même temps, éventuellement dans une même requête (Cour d’appel de Paris, ch 04, 30 mai 2001).

La requête peut également demander l’autorisation de continuer la saisie-contrefaçon en tous lieux dépendant des mêmes personnes que celles exerçant leur activité dans le lieu initial de la saisie (Tribunal de Grande Instance de Paris, ch. 03, sect. 02, 21 septembre 2001), sans plus de précision.

Dans ce cas, la saisie ne doit pas être close pour pouvoir poursuivre dans d’autres lieux (C. Cass. com., 21 janvier 2004, n°02-14525)

Personne pouvant demander une saisie contrefaçon

Une saisie contrefaçon peut être demandée par toute personne ayant qualité a agir en contrefaçon (L615-5 CPI).

Ainsi, le titulaire du brevet peut agir mais aussi le licencié exclusif (si sa licence a été inscrite au RNB antérieurement à la demande de saisie, Cour d’appel de Rennes, 2e ch. com., 24 février 2009).

Le fait que le demandeur vienne d’acquérir ses droits (ex. achat d’un portefeuille de brevets) ne l’empêche pas de demander une saisie-contrefaçon pour des actes antérieurs à l’acquisition de ceux-ci (Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e ch., 1re sect., ordonnance de référé, 17 décembre 2015, RG n°15/12229).

Le fait que le brevet en question fasse l’objet d’un litige concernant sa titularité n’empêche pas le titulaire actuel de demander une saisie-contrefaçon (Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e ch., 1re sect., ordonnance de référé, 11 février 2016, RG n°15/15073).

Personne pouvant présenter la requête

La requête doit être présentée par un avocat (article 813 CPC, alinéa 1).

Celui-ci doit être compétent pour agir devant le TGI de Paris (donc être inscrit au barreau de Paris, ex. être avocat postulant, Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 2e sect., ordonnance, 6 juin 2014 ; Provini et al c. Christophe P. et al)

Juge compétent

Si aucune instance n’est en cours

Le juge compétent, pour les brevets, et pour présenter une requête de saisie-contrefaçon, est le président du tribunal de Grande Instance de Paris (L615-5 CPI ensemble D631-2 CPI ensemble D211-6 du code de l’organisation judiciaire).

Si une instance est en cours

Si une instance est en cours, le juge compétent est le président de la chambre devant laquelle l’affaire a été distribuée (812 code de procédure civile, 3e alinéa, et Cour d’appel de Bordeaux, 1re ch. civ., sect. A, 3 février 2014, Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 2, 1er juillet 2016 RG 15/15933 qui a validé le jugement de première instance) : si le président du TGI signe la requête, la saisie pourra être annulée.

Conditions

Brevet / Demande de brevet

Brevet en vigueur ?

La saisie-contrefaçon ne semble pas pouvoir être demandée sur la base d’un brevet expiré (C. Cass. com., n°09-72946, 14 décembre 2010).

Ce principe peut sembler étonnant, car l’article L615-5 CPI indique que toute personne pouvant agir en contrefaçon peut demander une saisie (et sachant qu’il est possible d’agir en contrefaçon avec un brevet expiré sous réserve qu’il existe des actes de contrefaçon non prescrit).

Brevet étranger ?

A priori, rien n’empêche que le propriétaire d’un brevet étranger puisse demander une saisie-contrefaçon en France pour établir la preuve d’actes de contrefaçon (article 7 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 ou de l’article 24 de la Convention de Bruxelles et/ou de l’article 24 de la Convention de Lugano).

Cela peut semble néanmoins en légère contradiction avec l’article L615-5 CPI car cet article présuppose un contentieux à venir en France …

De plus, il est possible de se demander sur la mesure provisoire de article 7 de la directive 2004/48/CE pourrait être une saisie-contrefaçon. En effet, il existe beaucoup de discussion indiquant qu’une saisie est une mesure probatoire ou conservatoire. Tout d’abord, j’attire l’attention du lecteur sur le fait que la plus haute juridiction française (CCass 14 mars 2018, RG n°16-19731) a considéré que la saisie 145 (qui n’est certes pas une saisie contrefaçon) était bien une mesure conservatoire. De plus, la directive 2004/48/CE parle de « mesures provisoires … pour conserver les éléments de preuve pertinents« . Dès lors, peut-on vraiment parler de mesure provisoire ? Ca commence beaucoup à ressembler à une mesure probatoire.

Demande de brevet

Rien ne s’oppose à ce que le titulaire d’une demande de brevet demande une saisie-contrefaçon à partir du moment où la demande de brevet a été publiée ou a été notifié au saisi (L615-5 CPI car l’action en contrefaçon est ouverte dans ce cas selon L615-4 CPICour d’appel de Paris, ch. 04 sect.A, 25 avril 2001).

D’ailleurs, ce cas est explicitement mentionné au R615-2 CPI (une copie certifié conforme est demandée).

Preuves nécessaires ?

Position du juge français

L’article L615-5 CPI n’impose aucune preuve ou aucun début de preuve et le juge ne semble pas pouvoir vous la refuser (« en droit de faire procéder« ), car justement c’est le but de la saisie (Cass. com., n°97-12699, 29 juin 1999).

Le requérant n’a même pas à rappeler les saisies précédentes qu’il a déjà effectuées (Cass. com., n°04-10105, 12 juillet 2005)

Néanmoins dans la pratique, cela peut être différent et les juges sont réticents à ordonner une saisie sur la simple demande d’un titulaire de brevet (Cour d’appel de Paris, Pôle 1, 3e ch., 28 janvier 2014, « s’agissant d’une mesure d’une exceptionnelle gravité puisqu’autorisant la saisie-contrefaçon et l’accès à des documents d’une société de manière non contradictoire, il convient que la demande ne repose pas sur de simples affirmations ou allégations non étayées par un minimum de pièces« ).

Un arrêt récent de la cour de Cassation vient enfin clarifier la situation : les textes ne prévoient aucun commencement de preuves car justement, la saisie (ici une saisie fondée sur l’article 145 du code de procédure civile mais cela se transpose, à mon avis, directement aux saisies contrefaçon) a pour objet de les rapporter (C. Cass com, 10 février 2015, n°14-11909).

Interaction avec le droit communautaire

On peut néanmoins s’interroger de la conformité de la loi française avec la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 : en effet, l’article 7 de cette directive dispose que les mesures peuvent être ordonnées « sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations » .

La loi française est silencieuse sur ce point…

On rentre alors sur le débat sans fin de l’existence ou non de l’effet direct horizontal des directives en France, débat que l’on ne développera pas ici, car une thèse complète peut être faite sur le sujet.

Et surtout si nous devions retenir cet effet direct, on pourrait se demander si ces mesures sont effectivement les saisies…

Constitution de garantie

Le juge peut réclamer la constitution d’une garantie de la part du saisissant dans l’hypothèse où la saisie s’avère abusive ou dans le cas où une saisie réelle serait autorisée (L615-5 CPI).

Cette garantie doit être versée avant le début de la saisie (R615-2-1 CPI).

Cette garantie peut être une caution bancaire ou une consignation réalisée auprès de la Caisse des Dépôts et consignations (L518-19 Code monétaire et financier).

Huissier

L’huissier doit être bien entendu territorialement compétent : il ne peut exécuter l’ordonnance que dans son ressort (ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945, art 1 ensemble décret n°56-222 du 29 février 1956, art 5).

Il faut bien faire attention car l’ordonnance autorise souvent l’exécution de l’ordonnance « par tout huissier de son choix » : cette tournure de phrase peut être interprété par certains magistrats comme signifiant « un seul huissier » . Dès lors la présence de deux huissiers, peut entraîner la nullité de la saisie (Cour d’appel de Rennes, 2e ch. com., 24 février 2009).

Pour autant, si un seul des huissiers est instrumentaire, cela ne pose pas de soucis (les autres étant présents pour assister le premier, Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 4e sect., 12 mai 2016, RG n°14/17816 ou C. Cass. com n°13-23416, 3 mai 2016).

Choix de l’expert

Lors de la saisie, il est possible pour l’huissier de se faire assister d’experts (L615-5 CPI) pour l’aider à appréhender les aspects techniques propres aux brevets.

Il est couramment admis que :

Si a priori rien ne s’oppose à la désignation de l’avocat du requérant comme expert (C. Cass. com., 18 avr. 2000, n°97-19631), cela semble néanmoins dangereux, car des PV ont déjà été annulés du fait que l’avocat n’avait pas décliné sa qualité (Cour d’appel de Rennes, 2e ch. com., 10 janvier 2006). Ainsi d’une manière générale, il convient d’éviter…

Le nombre d’experts ne peut pas être limité dans l’ordonnance, car il n’existe aucune restriction dans la loi (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. A, 6 décembre 2006). Néanmoins, il est nécessaire que la présence des experts ait été demandée et autorisée dans l’ordonnance.

Autres personnes assistant l’huissier

L’huissier peut se faire assister de toute personne, si l’ordonnance l’y autorise (i.e. force publique, serrurier, etc. Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 1re sect., 30 mai 2007) : la présence non-autorisée d’une personne est une nullité de forme et un grief doit être invoqué pour demander la nullité de la saisie.

Néanmoins, la présence d’un clerc d’huissier n’a pas besoin d’être explicitement mentionné car c’est un subordonné de l’huissier (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 1re sect., 30 mai 2007).

Si une tâche technique doit être effectuée (ex. démontage d’une machine), l’ordonnance peut autorisé la présence de techniciens / mécaniciens : contrairement à l’expert, il semble possible de désigner comme technicien un préposé du saisissant (pour autant que le PV mentionne que ce préposé se limites à ses actes techniques, Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 19 décembre 2012).

Présentation d’une requête

Identification du titulaire et de ses droits

Le titulaire doit fournir au président du TGI de Paris les preuves que son brevet existe et est bien en vigueur (voir supra).

Ainsi, doit être joint :

Si le requérant est le titulaire d’une licence exclusive, il est important de produire les pièces justifiant qu’il ait mis en demeure le titulaire des droits (R615-2 CPI, alinéa 3) ainsi que son contrat de licence (R615-2 CPI, alinéa 2).

En cas de titulaire « personne morale » , il faut faire attention :

  • à la désignation de la société (numéro de RCS et forme sociale, C. Cass. com. n°07-14709, 29 janvier 2008) : une mauvaise personne morale est indiqué, ce n’est pas qu’une simple erreur matérielle et ne peut donc être corrigé ;
  • au pouvoir du représentant de la société qui demande cette saisie (C. Cass. com. n°07-14457, 3 juin 2008) : il faut qu’il puisse engager la société.

Pour autant, les juges ont également considéré que l’absence de ces mentions (et non des mentions erronées comme précédemment) n’était qu’un vice de forme pour lequel il est nécessaire d’apporter la preuve d’un grief (Tribunal de Grande Instance de Paris, 26 mai 2016, 3e ch., 4e sect., ordonnance de référé rétractation, RG n°16/03162).

Il n’est pas utile que l’ordonnance fasse apparaître le nom du requérant et la désignation de la requête car l’ordonnance fait corps avec la requête (Tribunal de Grande Instance de Paris, 26 mai 2016, 3e ch., 4e sect., ordonnance de référé rétractation, RG n°16/03162).

Signature de la requête par l’avocat

La requête doit être signée par l’avocat postulant.

Néanmoins, pour certains un vice de forme : en l’absence de grief, la saisie ne sera pas annulée (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2e ch., 5 décembre 2013 ou Cour d’appel de Paris, 19 janvier 2016, Pôle 5, 1re ch., RG n°14/10676).

Il est à noté que cela est étrange puisque la cour de Cassation indiquait que cela était une nullité de fond (C. Cass. com., 14 novembre 2006, n°04-14865 ou C. Cass. 2e civ., 24 février 2005, n°03-11718) …

Identification du juge des requêtes sur l’ordonnance

Le juge signataire de l’ordonnance doit être précisément identifié (une formule de type « Nous, président, [… ] » n’est pas suffisant, C. Cass. crim. n°09-80599, 22 septembre 2009).

En effet, les articles 454 CPC et 458 CPC souligne que l’absence du nom du juge rend l’ordonnance nulle (si la signature est claire, cela peut suffire C. Cass. com., 21 mars 2000, n°97-18914).

Le juge signataire, s’il n’est pas le président, est présumé avoir reçu délégation du président du TGI pour statuer sur la requête qui lui a été présentée (Cour d’appel de Paris, ch. 04, 28 février 2001).

Identification de l’objet saisi

Le requête doit permettre à l’huissier d’identifier le produit à saisir ou le procédé à décrire (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 10 décembre 2004) : il est possible de faire référence aux revendications du brevet.

Si l’huissier décrit ou saisit des objets susceptibles de contrefaire d’autres droits (brevets, marques, etc., Cour d’appel de Paris, ch. 04, 23 septembre 1998) ou si l’huissier saisit des objets non conformes à l’ordonnance (C. Cass. com., 31 mai 2005, n°03-12162), l’huissier excède ses pouvoirs, sauf si cette saisie (respectivement cette description) intervient, de manière incidente, lors de la saisie (respectivement cette description) de l’objet visé dans l’ordonnance : cette preuve pourra alors être utilisée dans une autre action en contrefaçon ou en concurrence déloyale.

Autorisation de mise en marche, de démontage, etc.

D’une manière générale, il convient d’envisager toutes les possibilités dans la requête : si l’ordonnance ne permet pas explicitement la mise en marche d’une machine ou son démontage, l’huissier n’est pas en droit de le faire de son propre chef (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. A, 15 décembre 2004)

Demande de saisie de divers documents

Le saisissant peut demander à ce que « tout document se rapportant » à la contrefaçon puisse être saisi (L615-5 CPI, alinéa 2).

Cette terminologie très large couvre :

  • des documents techniques, tels que dossiers de fabrication,
  • les listes de stocks,
  • les imprimés publicitaires,
  • les catalogues,
  • les modes d’emploi,
  • le dossier de demande d’AMM (Cour d’appel de Paris, ch.14, 16 janvier 1998), même si certains éléments confidentiels conviennent d’être masqués.

Par ailleurs, il est possible de demander d’autoriser « toute constatation utile en vue d’établir l’origine et l’étendue de la contrefaçon » (R615-2 CPI, alinéa 4).

Dès lors, il est possible de saisir des documents comptables et commerciaux (factures, correspondances, etc.).

Il est possible que ces documents (ex. factures) fasse apparaitre des éléments qui n’ont rien à voir avec l’objet de la saisie. Le fait de les saisir ne constitue pas en soi un problème : le saisi aurait dû demander le retrait de ces informations à l’huissier (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 4e sect., 28 octobre 2010 ou Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 2e sect., 14 janvier 2011).

Demande de saisie des outils de la contrefaçon

Il est possible de demander la saisie réelle ou descriptive des machines servant à produire les objets « contrefaisants » (L615-5 CPI, alinéa 3).

Pour autant, il ne faut pas oublier que cette saisie vise à constituer une preuve et ne sert pas à empêcher le contrefacteur présumé à continuer ses actes.

Identification du saisi ?

Il n’est pas nécessaire de désigner dans la requête le nom le saisi si celui-ci est inconnu du saisissant, du moment que la localisation de la saisie est précise.

De plus, il faut éviter de désigner le saisi par le « présumé contrefacteur » , mais plutôt le « détenteur des objets argués de contrefaçon » .

Identification des moyens de recours ?

Selon certains juges, l’article 680 CPC qui impose l’indication des voies de recours et des délais de recours correspondants ne concerne a priori que les jugements et non les ordonnances.

Néanmoins, d’autres juges considèrent que cette indication est nécessaire et que la formule « Il nous en sera référé en cas de difficulté » n’est pas suffisante (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 11 avril 2008).

En tout état de cause, cette absence de voie de recours ne relève pas d’une nullité de fond (C. Cass. com., 14 janvier 2003, n°01-01759) et un grief doit être soulevé par la partie lésée : il est assez peu probable qu’un grief puisse être soulevé puisqu’un recours pourra être formé avec l’instance au fond (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. A, 12 janvier 2005).

Déroulement de la saisie

Caractère facultatif

Le requérant ayant obtenu une ordonnance permettant une saisie n’est pas obligé de l’exécuter ou d’exécuter toutes ses mesures (Cour d’appel de Paris, ch. 04, sect. B, 29 mars 2002).

Huissier

L’article L615-5 CPI dispose que « tout huissier » peut réaliser la saisie (au choix du requérant) : néanmoins, cet huissier doit agir dans les limites de sa compétence territoriale (i.e. son ressort).

Lieu de la saisie

La saisie contrefaçon doit se dérouler à l’adresse exacte indiqué dans l’ordonnance.

Si par malheur, le début des opérations commence à 10m de cette adresse, il convient d’annuler la saisie pour dépassement du pouvoir de l’huissier (Tribunal de Grande Instance de Paris, 11 septembre 2014).

Présentation de l’huissier et des experts

Avant de commencer sa saisie, l’huissier doit (à peine de nullité) :

Signification de l’ordonnance et de la requête au saisi

Signification de l’ordonnance et de la requête

Il est nécessaire de signifier au saisi l’ordonnance (copie de la minute ou la grosse) et la requête au saisi afin que celui-ci soit en mesure de vérifier l’étendue des pouvoirs de l’huissier (article 495 CPC et R615-2-1 CPI alinéa 2).

La signification de l’un n’emporte pas signification de l’autre (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 9 novembre 2007).

Le fait que le saisi laisse entrer l’huissier dans ses locaux et le laisse saisir n’est pas une preuve de la signification de l’ordonnance (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 9 novembre 2007).

En cas de défaut de signification, la nullité de la saisie est encourue et des dommages et intérêts peuvent devoir être versés (R615-2-1 CPI) :

Néanmoins, en cas d’absence de la partie saisie, rien ne semble empêcher de procéder à la saisie, mais la présence des forces de l’ordre est alors indispensable (L142-1 Code des procédures civiles d’exécution) et une signification de l’ordonnance doit être faite par le dépôt d’un avis de passage au domicile de la personne (la copie pouvant être retirée à l’étude de l’huissier, article 655 code de procédure civil) : pour autant, je ne connais aucune décision qui valide ce mécanisme.

Remise d’une copie

La signification de l’ordonnance doit consister en une remise d’une copie et non en une simple exhibition de celle-ci (C. Cass. com., 19 décembre 1977 n° 76-12389).

Personne à qui la signification est faite

La signification de l’ordonnance doit être effectuée au détenteur des objets argués de contrefaçon (Cour d’appel de Paris, ch. 04, 9 mai 2001) et non au présumé contrefacteur (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 2e sect., 27 mai 2016, RG n°13/01235).

Dans le cas d’une société, il faut signifier à son représentant légal, à un « fondé de pouvoir » de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet (article 654 du code de procédure civile), c’est à dire, selon la jurisprudence :

Délai raisonnable ?

Historiquement, la jurisprudence requérait que l’huissier laisse un « délai raisonnable » au saisi entre la signification de l’ordonnance et le début des opérations (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 1re sect, 6 octobre 2009) même si certaines juridictions pensent, qu’à défaut de prescription légale, les opérations de saisie peuvent commencer immédiatement (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. A, 22 février 2006).

A été considéré comme raisonnable un délai de 5 minutes, sachant que l’ordonnance ne faisait que 4 pages (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 2 octobre 2013 ; Filmop c. Dit et al).

Cette signification et le fait qu’un délai raisonnable a été laissé au saisi pour en prendre connaissance doit être noté au PV de saisie ou dans un acte séparé (mais une notification préalable n’est pas nécessaire, Tribunal de Grande Instance de Paris, ch. 03, 30 janvier 1998).

Néanmoins, dans une décision récente de la Cour de Cassation, les juges semblent considérer que seule la mention du fait que cette formalité ait eu lieu préalablement aux opérations est suffisante (C. Cass. civ. 1, 19 mars 2015, n°13-25311) : nous attendons avec impatience la réaction des juridictions de degré inférieur.

Signification d’autres pièces ?

Si une garantie a été demandée par le juge, l’acte de consignation doit également être présenté (R615-2-1 CPI).

A priori, il n’est pas nécessaire de remettre les pièces annexées à la requête et qui ont été présentées au juge. Néanmoins, une copie du brevet invoqué ne fait pas de mal afin de permettre au saisi de savoir quel objet est visé.

Limite des pouvoirs de l’huissier durant la saisie

Principe

C’est en raison du caractère exorbitant de la saisie et en raison du caractère non contradictoire de l’ordonnance que l’autorisation donnée par le président dans l’ordonnance doit être strictement interprétée (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 30 mars 2007).

Recherche de la preuve

L’huissier est habilité à rechercher les preuves de la contrefaçon en examinant tous les objets ou documents se trouvant dans les lieux. Il est le seul à pouvoir mener activement cette perquisition (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 21 décembre 2007).

Prohibition des interrogatoires

Si l’huissier peut rechercher les preuves, il n’a pas de droit spécifique pour interroger le saisi (ex. pour obtenir des aveux (Tribunal de grande instance de Paris, 22 mars 2022, RG n°18/4575) ou pour obtenir des précisions sur le fonctionnement d’un procédé, Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 16 février 2007).

En revanche, l’huissier peut poser toute question nécessaire à l’accomplissement de sa mission (Cour d’appel d’Orléans, ch. com, 29 janvier 2009) : frontière, en pratique, difficile à définir…

Frontière d’autant plus difficile à définir que la jurisprudence autorise, en cas de mutisme complet du saisi, de faire recours contre l’ordonnance de saisie pour la modifier et, en vertu de la R615-4 CPI, et de l’article 11 CPC, enjoindre, éventuellement sous astreinte, de répondre ou de communiquer une pièce.

Saisie d’échantillons autorisés

L’ordonnance peut autoriser la saisie d’un certain nombre d’échantillons.

La saisie d’un nombre supérieur d’échantillons pourra être considéré comme un dépassement des pouvoirs conférés par l’ordonnance à l’huissier.

Néanmoins, la saisie d’un nombre d’échantillons inférieur au nombre autorisé n’est pas un dépassement du pouvoir conféré par l’ordonnance, car cette situation est plutôt favorable au saisi (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 2e ch., 9 mai 2014).

Rédaction du PV de saisie

Identification de l’huissier et cachet

Les nom, prénom, signature, nom de la SCP, adresse de la SCP et qualité d’associé de l’huissier doit apparaitre clairement sur le PV de saisie (648 CPC) sous peine de nullité de celui-ci (Cour d’Appel de Paris, 4e ch., 15 septembre 2000).

Néanmoins, cette irrégularité semble être une irrégularité de forme et le saisi devra ainsi justifier d’un grief causé par cette irrégularité (article 649 CPC ensemble 114 CPC) : ce grief peut être la non possibilité de vérifier la qualité d’huissier (Cour d’Appel de Paris, 4e ch., 15 septembre 2000).

Il en va de même pour le cachet de l’huissier qu’il doit apposer sur chacune des pièces du PV de saisie (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 1re sec.t, 30 septembre 2008) : l’irrégularité de forme peut être corrigée à tout moment.

Identification du saisi

L’huissier a le pouvoir de demander aux personnes se trouvant sur les lieux de la saisie de justifier de leur identité (et éventuellement de celle de la personne morale détentrice des produits argués de contrefaçon), pour autant, il convient de le préciser dans l’ordonnance sous le visa de la R615-2 CPI (car certaine jurisprudence le refuse quand bien même cette vérification serait faite par un commissaire de police, Cour d’appel de Paris, ch04, 21 septembre 2001).

Rédaction du PV et saisie descriptive

Il n’existe pas d’exigence concernant le format du texte : il peut être dactylographié ou manuscrit ou les deux (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 10 décembre 2004).

Le fait que l’huissier emploie le terme « contrefaisant » ne constitue pas nécessairement une faute, surtout si le saisi utilise lui même ce terme (Tribunal de grande instance de Paris, 30 septembre 2009).

Le fait que l’huissier reprenne directement et à son compte dans son PV les constatations manuscrites de l’expert ou du CPI peut entrainer la nullité de la saisie (« inversion des rôles » , Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e ch., 1er sect., 26 octobre 2010). Il faut néanmoins préciser que la reprise par l’huissier des propos de l’expert est possible, du moment que l’huissier distingue bien ceux-ci de ses propres propos (valeur de témoignage) (C. Cass. com., 21 mars 2000, n°97-18914).

En particulier, et afin d’éviter que le juge ne considère que l’huissier s’est fait influencer par l’expert, il convient d’éviter que le vocabulaire utilisé dans la partie descriptive soit trop « technique » ou constitue une interprétation (ex. « ces deux rebords forment une aile médiane » , C. Cass. civ. ch. com, 29 septembre 2015, n°14-12430).

Par ailleurs, si l’huissier n’est pas en mesure de réaliser la description (ex. objet très complexe et devant être analysé en laboratoire), il n’est pas tenu de le faire (« à l’impossible, nul n’est tenu » Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 10 septembre 2004) mais il faut éviter que l’huissier décrive des choses qui, à l’évidence, n’a pu être décrit que par l’expert (ex. description d’un objet non-visible ou d’un procédé alors que la machine n’a pas été mis en route).

L’huissier a la possibilité de consigner les propos du saisi (si c’est une déclaration spontanée), mais n’a aucune obligation de la faire même quand le saisi souhaite consigner une protestation.

Aide de la force publique

Il est possible de demander à ce que l’huissier puisse requérir l’aide de la force publique (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. B, 11 avril 2008) même avant le commencement des opérations et même sans résistance du saisi (C. Cass. com, n°90-17782, 30 juin 1992).

Introduction d’un objet sur site

Afin d’introduire dans les locaux du saisi un objet « contrefaisant » , il est indispensable d’obtenir l’autorisation expresse dans l’ordonnance (C. Cass. com, n°08-20486, 29 septembre 2009).

Par ailleurs, pour pouvoir montrer l’objet introduit et interroger les personnes présentes afin de recueillir leurs déclarations spontanées quant aux actes argués de contrefaçon, l’huissier semble devoir, également, y avoir été « expressément et précisément autorisé » (C. Cass. civ 1, n°08-10656, 2 avril 2009).

Dans le cas contraire, cette introduction constitue une nullité de fond (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 1re sect., 19 juin 2014) : aucun grief n’a à être démontré pour pouvoir annuler les saisies.

Il en irait différemment si l’objet avait été découvert sur place (C. Cass. com. n°08-18598, 7 juillet 2009).

Si une autorisation est donnée à l’huissier pour introduire un objet sur site mais que c’est l’expert qui l’introduit, cela ne semble pas poser de problème puisque l’expert travaille sous contrôle de l’huissier (Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 28 février 2014).

Documents confidentiels

Approche historique

La saisie ne doit pas permettre d’espionner son concurrent et d’accéder à des secrets de fabrique (C. Cass. com., n°07-15075, 8 juillet 2008).

Un tel détournement de la procédure peut être sanctionné par des dommages et intérêts (C. Cass. com., 12 février 2013, n°11-26361).

Par ailleurs, le caractère confidentiel des documents saisis n’est pas un motif pour s’opposer à la saisie (Tribunal de Grande Instance de Paris, ch. 03, 4 juillet 1997). Le saisi peut néanmoins notifier à l’huissier que ces documents sont confidentiels ou sortent du cadre de l’ordonnance. Dans cette hypothèse, l’huissier doit, par prudence, les mettre au séquestre provisoire sans les transmettre au titulaire du brevet.

Le saisi ou le saisissant peut alors saisir le président du Tribunal de Grande Instance de Paris (recours de l’article R615-4 CPI) ou le juge de l’ordonnance (référé rétraction pour modifier l’ordonnance) afin de le faire trancher sur l’accessibilité de ces documents au titulaire du brevet (Cour d’appel de Lyon, ch. 01, 23 septembre 1999).

Afin de pouvoir trancher, le juge peut faire appel à un expert afin de distinguer, parmi les renseignements et documents confidentiels, ceux qui sont nécessaires à la preuve de la contrefaçon de ceux qui y sont étrangers (Tribunal de Grande Instance de Paris, ch. 03, 4 juillet 1997).

La difficulté de cette expertise est qu’elle ne peut pas être totalement contradictoire du fait du secret entourant ces documents : ainsi, pour éviter tout problème, il convient d’autoriser les conseils des parties, soumis à confidentialité, à être présent lors de l’expertise (Tribunal de Grande Instance de Paris, ch. 03, 31 octobre 2000).

Approche liée à la loi « secret des affaires »

La loi du secret des affaires de 2018 a quelque peu impacté la saisie contrefaçon sans remettre en cause l’approche historique.

En effet, le juge peut (mais ce n’est pas une obligation) demander le placement d’office (c’est à dire directement dans l’ordonnance) le placement sous séquestre provisoire les pièces saisies (R153-1 du code de commerce ensemble R623-51 CPI).

Bien entendu, si le demandeur ne le propose pas, il est assez probable que le juge ne le rajoute pas dans l’ordonnance.

Vous allez donc me demander pourquoi le demandeur le demanderait ?

Excellente question car cela semble le déservir de prime abord.

En réalité je ne pense pas. En effet, le demander permet de changer le régime de levée du secret : alors que dans l’approche historisque, le demandeur devait intervenir pour convaincre le juge de lever le secret, ici, c’est à la partie saisie de convaincre le juge (R153-3 du code du commerce) que les documents sont bien confidentiels dans un délai d’un mois (R153-1 du code de commerce ensemble R623-51 CPI).

Interaction de l’expert et du saisi

Si un expert peut assister l’huissier dans sa mission (voir supra, pour la qualité de cet expert), il ne faut pas que les rôles soient inversés (C. Cass. com. n°08-11235, 3 mars 2009) : l’expert ne peut pas directement demander au saisi de fournir des pièces ou de répondre à certaines questions.

Interaction de l’expert et de l’huissier

L’expert peut bien entendu discuter avec l’huissier : ce dernier ne doit pas se laisser influencer par les propos techniques de l’expert. Tout du moins, il doit bien distinguer dans son PV les propos de l’expert et ses propres constatations (Tribunal de grande instance de Paris, 5 mai 2009 ou Tribunal de grande instance de Paris, 30 septembre 2009).

Latitudes laissées au saisi

Le saisi est chez lui : il peut faire venir tout personne qu’il veut dans son entreprise (ex. avocat, conseil en PI).

Par ailleurs, le saisi n’a pas être coopératif :

  • il n’a pas à ouvrir les portes des locaux,
  • il n’a pas à aider le saisissant,
  • il n’est pas obligé de répondre aux questions, et peut interdire à ses employés de répondre.

Pour autant, cette latitude se trouve limitée lorsque le juge l’ordonne ou lorsque l’huissier demande la communication d’un objet ou d’un document suffisamment précis (10 Code Civil, 11 CPC, R615-4 CPI).

Les incidents lors de la saisie

Une résistance de la part du saisi (ex. coupure d’électricité, empêchement physique, etc.) est une faute condamnable.

Prolongement des opérations

La saisie n’a pas à être limitée à une seule journée : l’huissier peut continuer ses opérations aussi longtemps que nécessaire, même en laissant passer quelques jours entre les jours où la saisie a lieu (Tribunal de Grande Instance de Paris, ch03, sect. 03, 25 juin 2002).

Concernant le déroulement de la saisie avant 6h et après 21h, il vaut mieux prévoir cette option dans l’ordonnance, car normalement cela n’est pas possible sauf autorisation du juge (L141-1 Code des procédures civiles d’exécution, aucune dérogation n’est possible si les locaux servent également d’habitation).

Si la personne à qui a été signifiée l’ordonnance n’est pas présente lors du prolongement des opérations, il ne semble pas nécessaire de re-signifier l’ordonnance ou d’indiquer dans le PV que l’ordonnance a été remis à la personne présente lors de la prolongation afin qu’elle prenne connaissance des pouvoirs de l’huissier (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 1re sect., 18 juin 2015 venant contredire l’ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Paris, 7 mai 2014 rendue dans la même affaire).

Échec de la saisie

Il peut arriver que le saisissant fasse « chou blanc » .

Dans ce cas, il peut très bien redemander une ordonnance pour effectuer une nouvelle saisie-contrefaçon dans les mêmes lieux, en espérant être plus chanceux la fois suivante (C. Cass. com., 8 juillet 2008, n°07-15075).

Néanmoins, en cas de trop nombreuses saisies injustifiées, le saisissant expose sa responsabilité civile.

Remise du PV de saisie

À la fin de la saisie, l’huissier doit remettre une copie du PV de saisie au détenteur des objets saisis (R615-2-1 CPI, alinéa 2) (et non au contrefacteur) et le mentionner dans celui-ci ou dans un acte séparé.

À défaut de pouvoir le signifier, l’huissier doit l’indiquer dans son PV et laisser un avis de passage (656 CPC).

La jurisprudence admet que l’huissier puisse prendre quelques jours (bref délai) pour finaliser son PV et le signifier alors au saisi (Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e ch., 13 janvier 2012) : il faut faire attention de bien indiquer la date de la remise pour éviter d’encourir la nullité. Cette remise postérieure est possible car le code ne prévoit aucun délai (Cour d’appel de Paris, 4 mars 2016, RG n°15/10592)

Cette remise peut se faire contre la signature du saisi, mais cela n’est pas obligatoire (Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e ch., 13 janvier 2012).

S’il convient d’annexer les photocopies au PV, les photographies peuvent être notifiées au saisi par un acte ultérieur de l’huissier avant d’être annexées au second original (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. A, 12 novembre 2003).

L’absence de remise est une irrégularité de forme nécessitant la démonstration d’un grief (Cour d’appel de Rennes, 2e ch. com., 10 janvier 2006 ou Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 3 juillet 2009).

Actions au fond

Délai

Si une saisie-contrefaçon est réalisée, il est nécessaire d’introduire une action au fond dans un délai de 20 jours ouvrables ou de 31 jours civils (L615-5 CPI, alinéa 5, ensemble R615-3 CPI).

Calcul des délais

Concernant le calcul des délais :

Dans le cas contraire, l’intégralité de la saisie-contrefaçon est annulée (y compris la saisie description, L615-5 CPI, alinéa 5).

Pluralité de saisies

En cas de pluralité de saisies, chacune fait partir un délai (C. Cass. com., 3 juin 2003, n°01-14214).

Action au fond déjà existante

Il est tout à fait possible de demander une saisie alors qu’une action au fond est déjà engagée.

En première instance, cette requête doit être demandée au président de la chambre saisie et non au président du Tribunal de Grande Instance de Paris (C. Cass. com. n°05-19782, 26 mars 2008, car l’article 812 CPC s’applique) en indiquant qu’une action est déjà pendante (494 CPC et 813 CPC).

Si la saisie est présentée en appel, la demande doit être effectuée auprès du premier président (C. Cass. com., 14 septembre 2010, n°09-16854 et 958 CPC).

Bien entendu, si une action au fond avait déjà été engagée, l’obligation d’assigner au fond n’existe pas (C. Cass. com n°91-18049, 26 octobre 1993) et il n’est pas nécessaire de réassigner.

Il semblerait quand même nécessaire :

Personne à assigner

Il n’existe aucune obligation d’assigner le détenteur des objets saisis (en effet, la saisie chez un transporteur a pu mettre en évidence le nom du véritable contrefacteur, Tribunal de Grande Instance de Paris, ch. 03, 15 juin 1999) : tout tiers peut être donc assigné.

Validité de l’assignation

Pour autant, il est nécessaire que cette assignation soit valide (Cour d’appel de Paris, ch. 04, 20 juin 2001).

Si l’assignation était valide, mais devient caduque (ex. faute de remise dans les quatre mois d’une copie de l’assignation au greffe, 757 CPC), la nullité de la saisie est également encourue.

Néanmoins, si le saisissant se trompe de juridiction, il est considéré que le délai a quand même été respecté (Cour d’appel de Douai, 12 février 2008), car l’affaire est renvoyée vers la bonne juridiction, dans la même instance.

Cas d’une saisie demandée sur le fondement sur plusieurs titres

Dans cette hypothèse, il semble nécessaire que l’assignation vise l’ensemble des titres sur le fondement desquels une saisie a été demandée (Cour d’appel de Paris, ch. 04, 24 novembre 2000).

Plusieurs assignations

Si le titulaire souhaite engager plusieurs actions à l’encontre de plusieurs contrefacteurs, il est seulement nécessaire qu’une seule de ces actions respectent le délai d’assignation mentionné précédemment (C. Cass. civ. ch. com., 7 juillet 2015, n°14-12733).

Il n’est donc pas nécessaire que toutes les actions soient engagées dans le délai d’assignation.

Utilisation de la preuve

La preuve tirée de la saisie-contrefaçon peut être utilisée :

Une saisie exécutée sur le fondement d’un modèle peut servir à prouver la contrefaçon, d’un brevet dont le demandeur est titulaire (Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch. , 13 novembre 2009).

Bien entendu, la force probante de la saisie est importante lorsque des objets ou des échantillons ont été saisis réellement ou encore des photographies prises, car même si l’huissier se trompe de qualification dans son PV (Tribunal de Grande Instance de Paris, ch. 03, 13 juin 1997), le juge pourra corriger l’erreur éventuelle de par lui-même.

Néanmoins, si les objets saisis sont ouverts, manipulés (ex. sachet ouvert puis refermé), ils pourront perdre leur valeur probante (Cour d’appel Paris, ch. 04, 18 mai 2001).

De même, si les déclarations précises et circonstanciées de la personne rencontrée sur le lieu de la saisie ne peuvent valoir comme aveu d’un représentant légal de la société, elles n’en ont pas moins valeur de renseignements (Cour d’appel de Paris, ch04, 21 septembre 2001).

Sort des objets saisis

Dans le cadre d’une saisie réelle, les objets saisis reste bien entendu la propriété du saisi (la saisie ayant comme seul but la conservation de la preuve et non confiscation).

Les risques de perte ou de détérioration de l’objet saisi pèsent sur le saisissant (T. civ. Seine, 5 décembre 1872).

Si l’action en contrefaçon est finalement jugée non fondée, il est possible de demander la mainlevée des prélèvements d’échantillons ou de la saisie réelle et la restitution des objets placés sous scellé (C. Cass. com., n°01-14945 23 avril 2003). Cette mainlevée s’étend aux copies des documents réalisés (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 1re sect., 2 mai 2007) et à toute photographie réalisée.

Bien entendu, la restitution des objets saisis fait naitre une créance du saisi envers le saisissant : la restitution du prix payé, le cas échéant

Frais de la saisie

Les frais de la saisie (frais d’huissier, photographe, serrurier, etc.) sont à la charge du saisissant et sont engagés au titre de l’article 700 CPC (Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e ch., 1re sect., 9 mars 2010)

Différents recours

Inscription de faux

Force probante du PV de saisie

Un PV de saisie a la valeur d’un acte authentique (Cour d’appel de Paris, ch. 04 sect. A, 15 janvier 2003) et a donc une valeur probante importante.

Inscription de faux et délit de faux

La procédure d’inscription de faux permet de chercher à renverser la présomption de la preuve.

Cette inscription de faux ne signifie pas nécessairement que l’huissier a commis un délit de faux en écriture de l’article 441-4 du Code pénal (i.e. mise en cause de l’huissier du fait d’une fraude de celui-ci).

Dans ce cadre, le faux réside seulement dans l’inexactitude des constatations de l’huissier et non dans la mauvaise foi.

Exemples d’erreurs justifiant une inscription de faux

Une inscription de faux peut être soulevée lorsque l’huissier :

  • « apprécie » des faits plutôt que les constate ;
  • indique que le brevet est reproduit (rôle du juge) ;
  • emploie des termes techniques qui présume de la contrefaçon.
Preuve du faux

La preuve du faux peut être faite en démontrant que l’huissier n’était pas en mesure de constater les faits matériels qu’il a déclaré constater (Tribunal de Grande Instance de Paris, 6 octobre 2000) par exemple en utilisant les photographies annexées (Tribunal de Grande Instance de Paris, 19 mars 1999).

Procédure d’inscription

Pour réaliser une inscription de faux, il est possible de la réaliser :

  • de manière incidente dans une procédure au fond existante (i.e. incident de faux des articles 306 CPC à 312 CPC) ;
  • de manière principale (article 314 CPC).

L’inscription de faux entraine une communication au ministère public (303 CPC) et éventuellement une audition de l’huissier (304 CPC) et/ou une instruction (308 CPC).

Si une inscription en faux est réalisée, mais que celle-ci n’est pas couronnée de succès, une amende civile jusqu’à 3000€ peut être prononcée et le demandeur peut éventuellement être condamné à verser des dommages et intérêts (305 CPC).

Conséquence

Le plus souvent, le juge ordonne que seules les parties du PV erronées soient écartées (Tribunal de Grande Instance de Paris, 19 mars 1999).

Recours ouvert pour le requérant s’il n’est pas fait droit à la requête

L’ordonnance sur requête peut être frappée d’appel « s’il n’est pas fait droit à la requête » (article 496 CPC) : cela couvre donc le cas où le juge rejette en bloc la requête et le cas où le juge n’autorise qu’une partie de la requête.

Le délai d’appel est de quinze jours (article 496 CPC) à compter de la date de prononcé de l’ordonnance (C. Cass. 2e civ., 16 mai 1990, n°89-10243).

Le recours est d’abord examiné par le juge de la requête (recours gracieux) et s’il ne souhaite pas modifier son ordonnance, il transmet le recours à la cour d’appel (952 CPC).

Référé rétractation

Tiers intéressé

Tout tiers intéressé (ex. le saisi, le contrefacteur, le propriétaire d’un secret de fabrique, etc.) peut demander devant le juge ayant accordé l’ordonnance (496 CPC) de rétracter celle-ci (le juge de la mise en état est donc incompétent, car une nullité de la saisie n’est pas une nullité de procédure (la saisie étant distincte de la procédure au fond) ou un incident mettant fin à l’instance, Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 12 décembre 2012).

Le juge peut rétracter son ordonnance, mais il peut également la modifier ou la laisser inchangée (497 CPC).

Ainsi, le tiers peut notamment demander :

Ce référé ne sert à remettre en cause que les conditions d’octroi de l’ordonnance et non les conditions du déroulé de la saisie (Cour d’appel de Paris, ch. 14, 6 décembre 1999) ou la validité du brevet ou la contrefaçon (seul le juge du fond est compétent, L615-17 CPI).

Cette rétractation peut ainsi se fonder sur :

Saisissant

Le saisissant lui-même peut introduire le référé en rétractation, pour régler une difficulté survenue lors de la saisie ou pour solliciter une mesure de nature permettant de compléter la preuve (R615-4 CPI) (ex. il peut demander la levée des scellés mis en place par l’huissier lors de la saisie, car les documents ont été indiqués comme étant confidentiels, Cour d’appel de Lyon, ch. 01, 23 septembre 1999).

Procédure

Le débat devient alors contradictoire (cf. Accords ADPIC, article 50, 4°).

Le référé-rétractation est un référé et non une procédure « en la forme des référés » (Cour d’appel de Paris, Pôle 1, 2e ch., 27 avril 2011 au sens qu’elle ne connait pas le fond, c’est-à-dire la nullité des PV de saisies).

Pour autant, ce n’est pas un référé « complet » (« saisi comme en matière de référé » , C. Cass. com., n°80-12276, 24 septembre 1981) : cette procédure n’est pas soumise aux conditions de fond des articles 808 CPC et 809 CPC (urgence, défaut de contestation sérieuse, existence d’un trouble manifestement illicite ou risque de dommage imminent) (C. Cass. com., n°99-10076, 9 octobre 2001).

Il n’existe pas vraiment de délai pour former un référé rétractation (C. Cass. 2e civ., n°01-11536, 17 octobre 2002).

La rétractation peut intervenir quand bien même l’affaire est déjà pendante devant le tribunal (C. Cass. 2e civ., n°89-18207, 26 novembre 1990).

Nouvelle ordonnance

Le fait qu’une ordonnance soit rétractée ne signifie pas que le titulaire ne peut pas redemander dans la foulée une nouvelle ordonnance (C. Cass. com., n°07-15075, 8 juillet 2008).

Appel

Un recours est également ouvert contre la rétractation éventuelle de l’ordonnance (490 CPC).

Le délai d’appel est de quinze jours (490 CPC).

Conséquence de la retractation sur une saisie effectuée

Il peut arriver que l’ordonnance de saisie soit rétractée après les opérations de saisies.

Dans cette hypothèse, le PV de saisie et les pièces saisies ne peut plus servir (Cour d’appel de Paris, 23 septembre 2014).

Demande de nullité de la saisie

Principe

Lorsque les règles encadrant la saisie n’ont pas été suivies, il est possible de demander la nullité de la saisie.

Cette demande de nullité de la saisie peut viser (C. Cass. 1re civ., n°11-18045, 14 novembre 2012) :

  • le fait que le demandeur ne s’est pas pourvu au fond dans les délais prescrits (nullité de plein droit encourue même en l’absence de grief, L615-5 CPI) ;
  • les conditions du déroulé de la saisie :
    • les nullités de fond qui sont encourues même en l’absence de grief (article 117 CPC, l’huissier qui y a procédé à certains actes n’en avait pas le pouvoir) ;
    • les nullités de forme qui ne sont encourues que si le requérant peut justifier d’un grief ;
  • les conditions d’octroi de l’ordonnance (compétence du juge, preuve, titularité, etc.) (voir supra)
    • si pendant un temps il n’était pas possible de demander la nullité de la saisie pour un problème relatif à l’octroi de l’ordonnance, la Cour de Cassation a validé cette demande de nullité devant les juges du fond (C. Cass. com, 17 mars 2015, n°13-15862).
Focus sur les nullités de fond

Une nullité de fond peut être :

La nullité de la saisie pour irrégularité de fond est prononcée d’office, sans qu’il soit besoin de justifier d’un grief (119 CPC). Le juge peut la relever d’office si elle présente un caractère d’ordre public (120 CPC).

Par ailleurs, il est possible que l’irrégularité de fond n’entraine qu’une nullité partielle (ex. pour la partie pour laquelle l’huissier a outrepassé ses pouvoirs, Cour d’appel de Paris, ch. 04, 23 septembre 1998).

Il n’est pas possible de couvrir une irrégularité de fond avant le prononcé du jugement par le mécanisme de l’article 121 CPC (C. Cass. com., 31 oct. 2006, n°05-11149).

Même si certaines jurisprudences avaient indiqué qu’il fallait soulever une exception de nullité de la saisie avant toute défense au fond sous peine d’irrecevabilité (C. Cass. com. n°98-19503, 25 avril 2001), il semble en réalité possible de demander la nullité d’une saisie (vice de fond) à tout moment (C. Cass. com. n°08-18732, 19 janvier 2010), car ce n’est pas une exception de procédure au sens des articles 73 CPC et 74 CPC. (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 28 mars 2012).

Cette nullité peut également être demandée en appel parce qu’elle ne constitue pas une demande nouvelle, mais un moyen nouveau (Cour d’appel de Paris, ch. 04, 23 septembre 1998).

Focus sur les nullités de forme

Une nullité de forme sanctionne l’inobservation d’une exigence de la loi ou de l’ordonnance.

Celui qui invoque une irrégularité de forme doit se prévaloir d’un grief (114 CPC) personnel (et non un grief à l’encontre d’un tiers, Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 2e ch. 23 octobre 2015, RG n°14/06720).

L’existence ou l’absence de grief relève de l’appréciation souveraine du juge du fond (C. Cass. 2e civ., 25 janvier 2000, n°97-12620).

Néanmoins, le grief doit être précis et ne pas simplement consister dans le fait que le saisi ne pouvait pas connaitre le contenu des autorisations conférées par l’ordonnance (C. Cass. 2e civ., 29 mai 1991, n°90-10713).

Une nullité de forme peut être :

Les nullités issues d’irrégularités de forme doivent se demander in limine litis (i.e. avant tout moyen de fond ou toute fin de non-recevoir) (74 CPC et 112 CPCC. Cass. com., 25 avril 2001, n°98-19503), mais cela peut être demandé, éventuellement, après une demande d’expertise (car ne n’est pas une défense au fond) sinon elles sont irrecevables.

Une irrégularité de forme peut également entraîner une nullité partielle.

Une nullité de forme peut être couverte à tout moment (115 CPC).

Juge compétent

La nullité de la saisie se demande devant le TGI de Paris (Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e ch., 1re sect., 9 mars 2010) ou devant la Cour d’appel de Paris, en appel : les moyens de nullités constituent une défense au fond et non une exception de procédure (C. Cass. com., 19 janvier 2010, n°08-18732, il n’est donc pas nécessaire de soulever la nullité in limite litis).

Comme toute défense au fond, le juge compétent n’est pas le juge de la mise en état mais le juge du fond (Tribunal de Grande Instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 29 octobre 2015, RG n°15/01383).

Personnes pouvant demander la nullité

Cette action n’est pas réservée au saisi et peut donc être demandée par toute personne qui a un intérêt légitime (sauf pour la nullité liée au défaut pour le demandeur de s’être pourvu au fond, car l’article L615-5 CPI le réserve au saisi).

Appel

L’appel de la décision de nullité de la saisie est ouvert avec le jugement au fond, quand bien même cette nullité serait traitée comme un incident et jugée avant dire droit sur le fond (Cour d’appel de Paris, ch. 04, sect. A, 14 mars 2001).

Effets de la nullité

L’effet de la nullité d’une saisie est la disparition de la preuve, qui ne peut plus être alors utilisée (9 CPC et C. Cass. com., 1er juillet 2003, n°01-10807) même s’il est admis que les échantillons et les objets saisis réellement peuvent être resaisis dans les mains de l’huissier (C. Cass. com., n°07-15075, 8 juillet 2008) ou du greffe (Cour d’appel de Paris, 4e ch., 20 décembre 2000).

Abus et détournement de la procédure

A été considérée une saisie-contrefaçon déguisée une saisie demandée au titre de l’article 145 CPC alors que de manière claire une saisie-contrefaçon aurait été plus adaptée (Cour d’appel de Paris, ch. 04, sect. A, 27 mars 2002) : l’existence d’une mesure d’instruction plus spécifique et prévue dans le code de la propriété industrielle exclut a priori le recours au texte plus général du Code de la Procédure civile (C. Cass. 1e civ, n°11-20531, 28 novembre 2012).

Un constat d’achat n’est pas nécessairement une saisie-contrefaçon déguisée (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch. 7 novembre 2012), car ce sont de simples constatations matérielles et non des investigations déguisées. Pour autant, en cas de constat d’achat, et si l’huissier effectue lui même les actes, il lui est nécessaire de décliner sa qualité lors de l’achat / l’ouverture du compte sur Internet (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 27 février 2013 ou C. Cass. civ. ch. civ 1, 20 mars 2014, n°12-18518) sauf si l’huissier agit en vertu d’une ordonnance du juge des requêtes et que celle-ci l’autorise à ne décliner sa véritable identité qu’après avoir effectué les constatations pertinentes (C. Cass., 2e ch. civ., 4 septembre 2014, n°13-22971).

La saisie ne doit pas permettre d’espionner son concurrent et d’accéder à des secrets de fabrique (C. Cass. com., n°07-15075, 8 juillet 2008). Un tel détournement de la procédure peut être sanctionné par des dommages et intérêts (C. Cass. com., 12 février 2013, n°11-26361).

Par ailleurs, il peut exister un abus si le saisissant donne une publicité importante et inutile à la saisie (ex. décision de réaliser la saisie dans une foire, ostensiblement, pour discréditer les concurrents auprès de la clientèle, Cour d’appel d’Orléans, ch. com., 10 juillet 2003).

En cas de saisies répétées sans raison particulière, le saisissant pourra également se faire sanctionner (C. Cass. com., n° 96-10576, 27 janvier 1998).

Concurrence déloyale en parallèle

En cas de procédure en concurrence en parallèle, on peut se demander si on peut utiliser le cadre de la saisie-contrefaçon pour trouver les preuves nécessaires à la procédure.

Si certaines juridictions ont déjà accepté une requête motivée par la contrefaçon et la concurrence déloyale (du moment que les faits reprochés sont distincts, Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e ch., 1re sect., 8 novembre 2011), cela semble étonnant.

Néanmoins, si le titulaire préférait soutenir deux requêtes distinctes (par prudence) sur les deux fondements différents (concurrence déloyale et contrefaçon), il faudrait demander les deux saisies (saisie « 145 » et saisie-contrefaçon) au même juge : au président du tribunal de Grande Instance de Paris (normalement la saisie 145 se demande au président du tribunal de commerce, C. Cass. com., n°11-23216, 20 novembre 2012).

Droit d’information

De manière annexe, il est possible de demander de nombreuses informations relatives à la contrefaçon. Ainsi, il est possible d’obtenir des informations sur l’origine de la contrefaçon, les réseaux de distribution utilisés, etc. (L615-5-2).

Ce droit d’information est accordé par le juge (du fond ou du référé), éventuellement sous astreinte.

Il n’est pas nécessaire qu’une action au fond soit déjà engagée ou qu’une contrefaçon soit déjà jugée pour pouvoir demander l’accès aux informations permettant de « déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés » (du fait de la nouvelle rédaction de L615-5-2) : il est tout à fait envisageable de le demander au juge de la mise en état (par exemple, via une exception).

Par ailleurs, il est tout à fait possible de faire usage de ce droit quand bien même le brevet en question serait expiré (mais seulement si les faits visés par cette demande ne sont pas prescrits, C. Cass, ch. com., 21 octobre 2014, n°13-15435).

Mesures d’instructions complémentaires

Il est également possible de demander « toutes mesures d’instructions complémentaires » (L615-5-1-1 CPI) même si aucune saisie contrefaçon n’a été demandée.

D’une manière générale, il semble que le TGI de Paris ait un peu peur de ce nouvel article et n’accorde que très rarement les mesures demandées.

4 commentaires :

  1. Bonjour, deux textes ayant traits au BU et à la JUB (ordonnance 2018-341 et décret 2018-429, entrés en vigueur au 1er juin) ont modifié certains aspects liés au contentieux et aux moyens probatoires :
    _ le licencié non-exclusif semble désormais avoir qualité pour agir en contrefaçon si l’accord de licence l’y autorise expressément (nouvel article L615-2, 3e paragraphe). Dès lors, la saisie-contrefaçon lui semble désormais accessible, en vertu de l’article L615-5, 2e paragraphe, ainsi que les interdictions et réparations qu’offre l’article L615-3.
    _ Introduction des nouveaux articles R615-1 et R615-2 CPI relatifs à la compétence du juge français au regard de la JUB. Les anciens articles de ce chapitre V sont conservés et renumérotés en conséquence.
    (entre autres)

  2. Ping : LA CONTREFAÇON DE BREVET EN FRANCE

  3. Merci pour ce bon article.
    Pour le placement sous séquestre provisoire des pièces saisies, sous le régime du décret du 11 décembre 2018, l’article qui est pertinent en matière de brevets est le R615-2 et non le R623-51 qui a trait aux obtentions végétales, pour un effet, certes, identique.

  4. Gracié-Dedieu fgd@graciededieuavocats.com

    Cet article est très précis et très documenté en JP.
    Je voulais savoir si une actualisation de cet article est nécessaire depuis 2014 ou si elle a été faite ?
    Bien cordialement

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