Types de contrefaçon

La contrefaçon littérale

Principe

La contrefaçon littérale est une contrefaçon dans laquelle toutes les caractéristiques de la revendication sont reproduites (la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non par les différences, Cour d’appel de Paris, ch. 4, 9 juin 2000).

En pratique, l’analyse de cette contrefaçon est très proche de l’analyse que nous ferions si nous devions analyser la nouveauté de la revendication par rapport à l’objet considéré.

Exception au principe : un ajout allant à l’encontre du but de l’invention

Attention néanmoins, car ne sera pas considérée comme une contrefaçon un objet reproduisant toutes les caractéristiques de la revendication, mais possédant des caractéristiques additionnelles allant à l’encontre de l’objet de l’invention (ex. ajout d’une pièce chère à un dispositif sachant que l’objet de l’invention est de réduire les coûts, Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch., 2 octobre 2013 ; Filmop c. Dit et al) : personnellement je trouve ce raisonnement erroné, mais il est tenu par les juridictions françaises.

Contrefaçon littérale mais un peu différente quand même…

L’imagination des juges français est sans limite et il faut bien leur mettre cela à leur crédit …

Dans une affaire « Pemetrexed » (Tribunal judiciaire de Paris , 3e ch., 3e sect., 11 septembre 2020, RG n°2017/10421) les juges ont considéré qu’il existait une contrefaçon littérale car :

  • la revendication indiquait « pemetrexed disodique » (alors que le produit suspecté de contrefaçon contenait du pemetrexed diacide)
  • mais que l’homme du métier, à la lecture de la description, comprendrait bien que la forme du pemetrexed est sans incidence sur l’effet recherché du médicament et que l’ajout du terme disodique le limiterait pas vraiment les revendications.

Bon … Bref …

Donc voici une contrefaçon littérale « mais enfin pas trop car on comprend bien que …« 

La contrefaçon par équivalence

Principe

Dans cette théorie, une caractéristique structurelle essentielle des revendications n’est pas présente et est remplacée par un nouveau moyen.

Une caractéristique essentielle peut très bien se trouver dans le préambule de la revendication (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 2e sect. 10 décembre 2004)

Historique

En réalité, la contrefaçon par équivalence est une construction jurisprudentielle américaine (US Supreme Court : Graver Tank & Mfg. CO. V Linde Air Products, May 29, 1950).

Cette construction jurisprudentielle a alors été importé en Europe, et notamment en France.

Test en 3 étapes

Le test français réside en 3 étapes.

Pour que la contrefaçon par équivalence soit constituée, il est nécessaire que, cumulativement (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 1re ch. 14 mars 2012) :

  • la fonction du nouveau moyen soit identique à celui de la caractéristique non reproduite ;
    • la fonction est l’effet technique primaire de la caractéristique ;
    • par exemple, la fonction d’une serrure est de fermer une porte ;
  • le nouveau moyen participe à un résultat de même nature (i.e. « la même fonction, en vue d’un résultat de même nature« ) (C. Cass. com., n°08-14741, 15 septembre 2009) :
    • le résultat est l’avantage immatériel que la fonction procure ;
    • par exemple, le résultat d’une serrure est de permettre de sécuriser l’accès à une habitation ;
    • le résultat doit être de même nature (donc non nécessairement identique). Ce résultat peut être un peu moins bon ;
  • la fonction de la caractéristique non reproduite (c’est à dire, dans le contexte de la revendication) ne doit pas être connu (i.e. nouvelle) (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 2e sect., 06 juillet 2007 ou C. Cass. com., n°08-14741, 15 septembre 2009 ou Com., 20 novembre 2007, pourvoi n°06-17915).
    • La nouveauté doit être analysée à la date de dépôt du brevet et non à la date de la contrefaçon (Cass. Com., 31 mars 2004)

Il faut bien distinguer fonction et résultat (Cass. com., 27 juin2018, n°16-20.644).

Vous l’aurez noté, la définition de la fonction est primordiale pour cette analyse. Si on choisit une fonction générique (probablement en ne considérant la caractéristique hors contexte), il est probable qu’elle soit identique et non-nouvelle. Si on choisit une fonction spécifique (en considérant le contexte de l’invention), cette fonction sera probablement non identique.

De plus, il est probable que :

  • la fonction doive être mentionnée dans la description ou découler de manière évidente de celle-ci.
    • elle ne pas sortir, a posteriori, du chapeau du titulaire du brevet,
  • la caractéristique ne doive pas avoir été ajoutée en cours de procédure en réponse à une notification (Cour d’appel de Paris, 4e ch., sect. A du 24 septembre 2003)
    • Les juges considèrent que cet ajout aurait permis de surmonter une objection quant à la brevetabilité et ne possède donc pas d’équivalent protégeable.

Il faut noter que le protocole interprétatif de l’A69 CBE (article 2) reconnait explicitement la théorie des équivalents.

Cas particulier des inventions de combinaison ?

Dans le cadre d’une invention de combinaison (i.e. qui n’est pas qu’une simple juxtaposition de moyens), la Cour d’appel de Paris a semblé indiquer que le raisonnement « fonction identique et nouvelle » ne peut pas être tenu (Cour d’appel de Paris, 4e ch., 28 mai 1999).

Elle considère, en effet, qu’un raisonnement quant à l’effet connu d’un composant pris isolément est dénué de pertinence, car, justement, le but de l’invention est de faire coopérer les composants de l’invention « pour procurer un résultat d’ensemble autre que l’addition des résultats qu’ils procureraient chacun isolément » .

Même si de prime abord l’analyse semble séduisante, je ne partage pas l’avis de la Cour.

En effet, toute « vraie » invention (i.e. hors invention de juxtaposition, je veux dire) peut être vu comme une invention de combinaison : une invention est un assemblage d’éléments connus (si la revendication est découpée en éléments suffisamment petits) coopérant entre eux pour produire un résultat inventif et qui dépasse la simple somme des résultats de chacun des éléments.

La contrefaçon par différences secondaires ou « variantes d’exécution » ?

Dans ce cas, certaines caractéristiques non essentielles ne sont pas reproduites ou reproduites différemment.

Cette contrefaçon peut être :

Vous l’aurez compris, je n’approuve pas vraiment cette analyse de la contrefaçon mais certains pensent qu’une telle contrefaçon existe (Cass. Com. 6 novembre 2012, pourvoi n°11-19375) et donc il convient de la mentionner.

En effet, je ne comprends pas comment nous pourrions considérer qu’une caractéristique est non-essentielle si le rédacteur l’a pourtant mise dans sa revendication … La sécurité des tiers n’est pas assurée par une telle approche !

La contrefaçon partielle ?

Principe

Ce type de contrefaçon serait la contrefaçon de seulement une partie de la revendication (C. Cass. com. n°85-16725 du 28 avril 1987, affaire Marchal), même si certaines caractéristiques essentielles manquent.

Critique et disparition de ce concept

La doctrine a bondi en lisant cet arrêt…

Cette théorie de la « contrefaçon partielle » semble aujourd’hui être remise en cause par les juges du fond et les rares jurisprudences mentionnant « une contrefaçon partielle » semblent être, en réalité, un abus de langage afin de parler :

Pour mémoire, je vous indique cet arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 1872 qui indique qu’il n’existe pas de contrefaçon partielle si un élément essentiel de la revendication n’est pas reproduit : bref, la théorie de la « contrefaçon partielle » me semble bien bancale…

L’abandon de cette approche semble confirmé par l’arrêt de la Cass. Com. 3 avril 2012, pourvoi n°10-21084.

La contrefaçon par perfectionnement ?

On entend souvent que « perfectionner, c’est contrefaire » …

Ce n’est pas tout à fait vrai : le perfectionnement est effectivement une contrefaçon dans l’unique hypothèse où celui-ci consiste :

  • à ajouter des moyens à ceux revendiqués (contrefaçon littérale) ou
  • à très légèrement en modifier un (éventuellement, contrefaçon par équivalence, voir supra).

Un commentaire :

  1. Dans le cas d\’une invention de combinaison, la doctrine des équivalents doit recevoir application sans qu\’il soit exigé que la fonction remplie par le moyen revendiqué et par le moyen argué de contrefaçon soit nouvelle, pour autant que ce dernier remplisse, dans la combinaison, la même fonction que le moyen revendiqué. CA Paris 28.05.99 source : Rapport Q175 AIPPI

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