Lieu du dépôt

Le déposant a plusieurs possibilités pour réaliser un dépôt.

Il faut toutefois s’assurer qu’il ne fera pas n’importe quoi et hypothéquera ainsi ses chances d’obtenir un brevet.

Pour les dépôts initiaux

Le dépôt auprès de l’OEB

C’est que l’on peut appeler « le dépôt direct » .

L’A75(1) a) CBE dispose que :

La demande de brevet européen peut être déposée :

a) soit auprès de l’Office européen des brevets ;

b) [… ]

La R35(1) CBE prévoit quant à elle que :

Les demandes de brevet européen peuvent être déposées par écrit auprès de l’Office européen des brevets à Munich, La Haye ou Berlin [… ]

Ainsi, même si l’OEB possède de bâtiments dans d’autres villes (comme Vienne ou Bruxelles), seuls trois endroits peuvent recevoir les dépôts de demandes de brevets (R35(1) CBE) :

  • Munich (OEB),
  • La Haye (Département de l’OEB),
  • Berlin (Agence de l’OEB).
Les trois offices européens récepteurs
Les trois offices européens récepteurs

L’agence de Vienne ou Bruxelles ne peut rien recevoir (Directives A-II 1.1).

Il faut noter que les bâtiments de Berlin et de Munich sont équipés de boîtes aux lettres automatiques utilisables à toute heure du jour ou de la nuit (« Décision du Président de l’Office européen des brevets, en date du 3 janvier 2017, relative à la désignation des bureaux de réception de l’OEB » , JO 2017, A11).

Attention ! En effet, ce qui vient d’être dit ne signifie pas que le dépôt direct est le seul ou qu’il est toujours possible.

Le dépôt auprès d’un office national récepteur

La faculté

L’A75(1) b) CBE dispose que :

La demande de brevet européen peut être déposée :

a) [… ]

b) soit, si la législation d’un État contractant le permet, et sous réserve de l’article 76, paragraphe 1, auprès du service central de la propriété industrielle ou des autres autorités compétentes de cet État. Toute demande ainsi déposée a les mêmes effets que si elle avait été déposée à la même date à l’Office européen des brevets.

Lorsque ce dépôt est possible et que la demande est reçue par l’intermédiaire d’un office national, la date de dépôt correspond à la date à laquelle l’office national a reçu les pièces. La CBE n’admet en aucun cas la possibilité d’appliquer une décision du droit national pour déterminer la date du dépôt d’une demande de brevet européen (J 18/86).

« si la législation d’un État contractant le permet » : Il est nécessaire de regarder dans la législation de chaque État pour savoir si cela est possible.

En l’espèce, cela est possible en France. En effet, l’article L614-2 CPI dispose :

Toute demande de brevet européen peut être déposée auprès de l’Institut national de propriété industrielle soit à son siège, soit, en tant que de besoin, dans ses centres régionaux, selon des modalités qui sont précisées par voie réglementaire.

Aux dernières nouvelles, il était possible de déposer une demande de brevet dans n’importe quelle langue dans tous les États contractants sauf pour (Droit national relatif à la CBE, tableau II) :

  • Chypre
    • dépôt uniquement en anglais, allemand, français et grec.
    • une traduction en grec doit être remise sous 2 mois si la description n’est pas en grec ;
  • Grèce
    • dépôt dans n’importe quelle langue,
    • une traduction en grec doit être remise sous 2 mois si la description n’est pas en grec ;
  • Espagne
    • dépôt uniquement en anglais, allemand, français et espagnol,
    • une traduction en espagnol doit être remise en même temps si la description n’est pas en espagnol ;
  • Bulgarie
    • dépôt uniquement en anglais, allemand, français et bulgare ;
  • Ex-République yougoslave de Macédoine
    • dépôt uniquement en anglais, allemand, français et macédonien ;
  • Norvège
    • dépôt uniquement en anglais, allemand, français et norvégien ;
  • Italie
    • dépôt dans n’importe quelle langue,
    • une traduction en italien doit être remise en même temps si la demande n’est pas en italien, sauf si une priorité d’une demande déposée en Italie plus de 90 jours auparavant ou si le demandeur n’est pas domicilié en Italie ;
  • Portugal
    • dépôt dans n’importe quelle langue,
    • une traduction en portugais doit être remise sous 1 mois si la demande n’est pas en portugais, sauf s’il y a une priorité d’une demande déposée au Portugal ;
  • Pologne
    • dépôt dans n’importe quelle langue,
    • une traduction en polonais doit être remise en même temps si la demande n’est pas en polonais.

De plus, il est nécessaire de rédiger « l’indication selon laquelle un brevet est demandé » et « les indications permettant d’identifier le demandeur » :

  • en anglais, allemand, français ou danois pour le Danemark ;
  • en anglais, allemand, français ou hongrois pour la Hongrie ;
  • en anglais, allemand, français ou finnois pour la Finlande ;
  • en anglais, allemand, français ou portugais pour le Portugal ;
  • en anglais, ou maltais pour Malte.

L’obligation

Mais si la CBE autorise un dépôt dans une administration nationale, elle prévoit également que le législateur national rend cette faculté obligatoire dans certains cas (A75(2) CBE).

En France, le législateur a rédigé le deuxième alinéa de l’article L614-2 CPI comme suit (oui ! même si c’est du droit national français, il me semble important de détailler ce point ici) :

La demande doit être déposée auprès de l’Institut national de la propriété industrielle, lorsque le déposant a son domicile ou son siège en France et qu’il ne revendique pas la priorité d’un dépôt antérieur en France.

L’objectif d’une telle mesure est de permettre au ministre chargé de la défense de mettre au secret certaines inventions s’il considère que celles-ci peuvent être sensibles ou importantes pour la défense de la nation.

Ainsi, en bref, il existe une obligation de dépôt d’une demande de brevet européen auprès de l’INPI si :

  • le déposant a son domicile/siège social en Français.
  • la demande ne revendique pas de priorité d’une demande ayant été déposée en France.
La condition liée à la priorité

Tout d’abord, cette obligation est subordonnée au fait que la demande de brevet ne revendique pas la priorité d’un dépôt antérieur en France.

Ainsi, il n’est pas nécessaire de faire un dépôt auprès de l’INPI si vous revendiquez une première demande française, européenne ou internationale (qui normalement a dû être déposée en France, comme le prévoit le code de la propriété industrielle).

Néanmoins, quelques questions restent en suspens ici :

  1. Que se passe-t-il si l’on revendique une priorité qui n’a « rien à voir » pour éviter cette obligation ? Je pense que l’on pourrait quand même se faire sanctionner pour « fraude à la loi ». En effet, ce comportement est de manière assez claire un contournement de la loi pour lui faire produire des effets que le législateur n’avait pas souhaité.
  2. Que se passe-t-il si l’on ajoute de la matière (ex. amélioration de l’invention) entre la demande prioritaire et la demande revendiquant cette priorité ? Ce n’est pas très clair… Personnellement, je vous conseillerais de demander une autorisation préalable (autorisation que nous allons décrire ci-après) afin de vous protéger et éviter toute surprise.
  3. Que se passe-t-il si la demande revendique une priorité américaine ? Au regard de la lettre de la loi, il faudrait déposer la demande de brevet revendiquant cette priorité devant l’INPI. À mon sens, cette procédure est alors totalement dénuée de sens (même si elle reste obligatoire). En effet, le but de la procédure de dépôt en France est de pouvoir permettre au ministre chargé de la défense de mettre sous secret les inventions intéressant la défense nationale. Si une puissance étrangère en a déjà connaissance du fait d’un dépôt dans un autre pays ou si la demande de brevet étrangère est susceptible d’être publiée, cette procédure n’a plus de sens puisque la mise sous secret ne servirait à rien… mais bon c’est comme ça 🙂

Si je devais réécrire cet alinéa, je le rédigerai probablement comme suit pour essayer de clarifier les choses : « La demande doit être déposée auprès de l’Institut national de la propriété industrielle, lorsque le déposant a son domicile ou son siège en France et qu’il ne revendique valablement pas la priorité d’un dépôt antérieur pour l’ensemble de la demande en France. »

La condition liée au domicile

Enfin, cette obligation est subordonnée au fait que le déposant soit domicilié ou ait son siège social en France.

Mais est-ce à dire qu’il n’existe pas d’obligation de dépôt en France :

  • lorsque l’inventeur est français ?
  • lorsque le déposant est français et qu’il ne dispose pas de siège social en France ?

Au regard du code de la propriété industrielle, cela semble être le cas.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que :

  • les autres codes français restent applicables même si nous parlons de brevets ;
  • tout le droit positif ne se trouve pas dans les codes.

Tout d’abord, l’article L411-6 du Code Pénal dispose :

Le fait de livrer ou de rendre accessibles à une puissance étrangère, à une entreprise ou organisation étrangères ou sous contrôle étranger ou à leurs agents des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers dont l’exploitation, la divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation est puni de quinze ans de détention criminelle et de 225000 euros d’amende.

Comme vous pouvez le constater, cet article du Code Pénal n’oblige pas les Français (inventeurs ou déposants) à déposer leurs demandes de brevets auprès de l’INPI, mais les mets en garde contre une divulgation d’information « de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » . Mais comment savoir si nous nous trouvons dans une telle situation ?

L’instruction interministérielle 9062/DN/CAB du 13 février 1973 précise la procédure permettant de savoir si une invention intéresse la défense nationale : la procédure d’autorisation préalable.

La demande autorisation doit être formulée auprès du ministère chargé de la défense nationale, délégation ministérielle pour l’armement bureau des brevets et inventions. Cette demande d’autorisation doit être accompagnée du mémoire descriptif et des dessins et comporter l’énoncé des revendications.

Sanction

La sanction en cas de violation des dispositions de l’article L614-2 CPI est prévue à l’article L615-16 CPI.

Quiconque aura sciemment enfreint l’une des obligations ou interdictions prévues au second alinéa de l’article L. 614-2 [… ] sera puni d’une amende de 6 000 euros. Si la violation a porté préjudice à la défense nationale, une peine d’emprisonnement de cinq ans pourra, en outre, être prononcée.

En outre, la sanction pénale mentionnée ci-dessus est prévue à l’article L411-6 du Code Pénal :

Le fait de livrer ou de rendre accessibles à une puissance étrangère, à une entreprise ou organisation étrangères ou sous contrôle étranger ou à leurs agents des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers dont l’exploitation, la divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation est puni de quinze ans de détention criminelle et de 225000 euros d’amende.

La mise sous secret

Comme nous venons de le voir, il est possible qu’un État membre décide de mettre sous secret une demande de brevet pour une période de temps à définir.

Ainsi, la demande ne sera pas transmise à l’OEB (A77(2) CBE) :

Toute demande de brevet européen dont l’objet a été mis au secret n’est pas transmise à l’Office européen des brevets

Si cette demande n’est toujours pas transmise à l’OEB dans un délai de 14 mois (à compter de la priorité), cette dernière est réputée retirée (A77(3) CBE et R37(2) CBE).

Cas d’une non-transmission dans le délai prescrit

Exemple

Il est arrivé que l’office national omette par erreur de transmettre la demande à l’OEB dans les délais. Dans ce cas, le demandeur ne peut demander le rétablissement de ses droits (autrement dit, il ne peut faire ni une poursuite de procédure, ni une restitutio in integrum) étant donné que la CBE prévoit le rétablissement des droits uniquement lorsqu’il y a eu inobservation d’un délai qu’il appartenait au demandeur de respecter
(J03/80) .

Conséquence juridique : demande réputée retirée

La demande est réputée retirée (A77(3) CBE) si jamais l’office national ne transmet pas la demande européenne (R37(1) b) CBE) :

  • dans un délai de 4 mois à compter de leur dépôt ou,
  • si une priorité a été revendiquée, de 14 mois à compter de la date de priorité.
Solution : procédure de transformation

Dans cette hypothèse, le demandeur ne dispose que d’un unique remède juridique : la transformation de la demande européenne en demande nationale (A135(1) a) CBE).

Dans ce cas, la requête en transformation doit être présentée au service central national de la propriété industrielle auprès duquel la demande de brevet européen avait été déposée (A135(2) CBE).

Sous réserve des dispositions relatives à la défense nationale, ce service transmet directement la requête aux services centraux des Etats contractants qui y sont mentionnés (A135(2) CBE). Une copie du dossier est jointe (R155(2) CBE).

La demande de transformation doit être présentée dans un délai (R155(1) CBE) de 3 mois à compter de la notification signalant que la demande est réputée retirée.

Si la requête n’est pas présentée dans les délais, la demande cesse d’avoir la valeur d’un dépôt national régulier (R155(1) CBE) : il faut alors regarder les remèdes juridiques dans la législation nationale.

La transmission de la requête doit être réalisée auprès des offices centraux des États contractants dans un délai de 20 mois à compter de la date de dépôt ou de la date de priorité (R155(3) CBE).

Si la requête n’est pas transmise dans les délais, la demande cesse d’avoir la valeur d’un dépôt national régulier (A135(4) CBE).

Autres cas (réputée retirée, rejetée, retirée, révoqué)

Certaines législations nationales peuvent prévoir que la transformation est possible sous condition si la demande est réputée retirée, rejetée, retirée, ou le brevet révoqué (A135(1) b) CBE).

Une transformation est possible :

  • si la demande est réputée retirée pour non-production d’une traduction de la demande dans la langue de la procé­dure (A90(3) CBE : examen de forme du dépôt) :
  • Autres cas :
    • Estonie : si la demande est réputée retirée (A90(3) CBE : examen de forme du dépôt) ;
    • Hongrie :
      • si la demande est réputée retirée pour non-production d’une traduction de la demande dans la langue de la procé­dure (A90(3) CBE : examen de forme du dépôt) ou
      • si la demande est réputée retirée pour non-paiement de la taxe de recherche ou de dépôt (A78(2) CBE) ;
    • Italie : (modèle d’utilité) si la demande est réputée retirée, rejetée ou le brevet révoqué ;
    • Lettonie : si la demande est réputée retirée (A90(3) CBE : examen de forme du dépôt) ;
    • Pologne : si la demande est retirée ou rejetée ;
    • Slovaquie : si la demande est retirée, ré­putée retirée ou refusée, ou le bre­vet est révoqué ;
    • Suisse : si la demande est réputée retirée pour non-production d’une traduction de la demande dans la langue de la procé­dure (A90(3) CBE : examen de forme du dépôt) pour les demandes déposées en italien seulement ;

En France, aucune disposition ne permet de transformer une demande hors cas précédemment vu (L614-6 CPI), i.e. le cas visé à l’A77(3) CBE dans lequel l’office national ne transmet pas la demande européenne dans les délais.

Dans ces cas de figure, la requête en transformation doit être présentée à l’OEB (A135(3) CBE).

Elle n’est réputée présentée qu’après le paiement de la taxe de transformation (A135(3) CBE) : [montant_epo default= »70 € » name= »A2(1).14 RRT »] (A2(1).14 RRT). Si la taxe manque, l’OEB informe le requérant que la taxe doit être payée (Directives A-IV 6).

La demande de transformation doit être présentée dans un délai de 3 mois (R155(1) CBE) à compter :

  • de la notification signalant que la demande est réputée retirée, que la demande est rejetée ou que le brevet est révoqué ; ou
  • du retrait de la demande.

L’A121 CBE est applicable au demandeur.

L’A122 CBE est applicable au titulaire.

Si la requête n’est pas présentée ou si la taxe n’est pas payée dans les délais, la demande cesse d’avoir la valeur d’un dépôt national régulier (R155(1) CBE).

L’OEB transmet la requête auprès des services centraux des États contractants mentionnés dans la requête (A135(3) CBE) et il y joint une copie du dossier de la demande (R155(2) CBE).

Un État contractant ne peut pas imposer des conditions de formes de la requête autres que celles de la convention (A137(1) CBE), mais peut exiger, dans un délai non inférieur à 2 mois que (A137(2) CBE) :

  • la taxe de dépôt national soit payée ;
  • une traduction soit fournie dans une langue officielle de cet État :
    • de la demande initiale ;
    • de la dernière version modifiée devant l’OEB (si le demandeur souhaite continuer avec).

Pour les demandes divisionnaires

Contrairement aux demandes  » classiques « , les demandes divisionnaires ne peuvent être déposées qu’auprès de l’OEB (A76(1) CBE) :

  • La Haye ;
  • Munich ;
  • Berlin.

Aucun dépôt auprès d’un office national n’est possible (A75(1) b) CBE ensemble A76(1) CBE ensemble R36(2) CBE). Si par gentillesse, un office national réceptionnait une demande divisionnaire et la transmettait à l’OEB, cette demande divisionnaire serait réputée reçue à la date de réception des pièces par l’OEB (Directives A-II 1.1 et Directives A-IV 1.3.1 pour les divisionnaires).

2 commentaires :

  1. Au point 1.2.4.2, il semble que le délai de 4 mois soit un délai « recommandé » et qu’une demande transmise au-delà de ce délai est prise en considération pour autant qu’elle le soit dans le délai de 14 mois à compter du dépôt (ou de la prio) (Directives A-II, 1.6). Elle n’est donc pas réputée retirée si elle est transmise au-délà du délai de 4 mois (même chose pour celui de 6 semaines).

  2. Une demande de dépôt de brevet, effectuée par un particulier, qui intéresse la défense nationale (et par conséquent tenue au secret), donne-t-elle lieu à une indemnité ? En cas de désaccord sur le montant de cette dernière, est-il possible de saisir un tribunal compétent en la matière ?
    Je reste attentif à vos observations.

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